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Portrait de Franz Hellens par Modigliani

Franz Hellens

Franz Hellens est le pseudonyme de Frédéric Van Ermengem, né le 8 septembre 1881 à Bruxelles et mort le 20 janvier 1972 dans la même ville, un romancier, poète, essayiste et critique d'art belge.

L'inévitable

On n'a jamais pu le tenir enfermé. Il va et vient, et ne se pose guère. On dirait qu'il n'a jamais eu de table, ni de foyer. Tout lui est bon : n'importe quel événement, pourvu qu'il arrive ; n'importe quelle fille ou quel garçon, pourvu qu'ils soient vivants. Il les mime, il les suit dans la rue. Il les épie, il les fouille, il gèle avec eux, il brûle avec eux. Il n'en demande pas davantage, et jamais il ne se plaint ; jamais non plus il ne plaint personne. Il emporte le tout dans ses rochers.
Je ne sais pourquoi nous imaginons volontiers que les aigles sont contents d'eux-mêmes, un peu prétentieux. Or c'est le contraire : leurs ailes ne sont guère faites pour voler, ils s'en tirent durement, à force de muscles. (Et les lions aussi, comme on sait, mènent une vie indécise et peureuse.) Hellens fait un aigle embarrassé : gêné de soi, de tant d'espace libre. Doutant, si je puis dire, d'être à la hauteur.
Il n'a pas le goût de l'encre et des plumes. Il n'est pas le moins du monde écrivain-né. Il ne s'applique pas, il ne combine pas. Il n'a jamais cherché à se soumettre un lecteur. Il ne sait rien d'avance, il laisse venir, et ses livres l'étonnent tout le premier. Son œuvre, qui semble se faire d'elle-même, montre on ne sait quoi d'inéluctable. Il existe des écrivains sans littérature, comme il existe des hommes sans destin.

L'obscur

Il a le mystère collé à l'os. Ce n'est pas un mystère le moins du monde voulu, ni concerté. Bien au contraire. A qui de nous n'est-il pas arrivé de se demander si la vie était légitime ? Si le sort du suicide ou de l'aliéné ne valait pas mieux que le sien ? Voilà des questions que Franz Hellens ne s'est jamais posées. Et même il évite attentivement les vertiges et les frayeurs. Il les refoule. Qu'ils reviennent, s'il est dans leur nature de revenir ! Qu'ils se débrouillent ! Lui du moins n'y sera pour rien.
Donc l'obscur ne relève pas chez lui du calcul et de l'hypothèse, comme chez Poe ; ni de l'imagination — maisons hantées, bruits inconnus, ondines — comme chez Lewis ou Chamisso. Simplement vient-il un moment où Franz Hellens ne peut plus l'empêcher. Il s'agit d'un mystère, on ne sait trop pourquoi, inévitable et qui n'est jamais la solution d'un problème mais plutôt le problème d'une solution.
Aussi bien prend-il toute sorte de formes. Je songe au silence, à l'absolu silence du Solitaire, accusé d'un crime qu'il n'a pas commis. Ou encore à ce visage lisse et sans traits qui se montre au beau milieu du Père et la fille. Il serait peu de dire qu'ils vivent. Si longtemps Hellens les a refusés et refoulés, qu'ils se montrent enfin à moi comme la raison même du reste, le squelette des réalités.
J'avouerai que je ne vois guère jouer des marionnettes sans éprouver pour elles une sorte de respect. Oui, et même de vénération, que ne me donnent pas les acteurs et les actrices de chair. Ainsi de ces violentes petites figures, qui vont et viennent sur l'aire : Bass la statue qui s'éveille, Annibal la Merveille du Monde, François Puissant le Bienfaiteur. (Ou bien Hellens les appelle simplement le Naïf, l'Ingénieur, le Pédant, le Gyropède.)

L'enfant

On appelle étrangement don d'enfance l'état de grâce où nous jettent quelques étonnements, l'impression que le monde commence à peine, certains mots ou dessins de marmots. Étrangement, car enfin c'est en nous qu'est le ravissement, non pas dans la petite fille ou le petit garçon, qui sont sérieux, tout appliqués, fort innocents des surprises que nous leur prêtons. Et Franz Hellens lui-même, s'il se retrouve enfant, c'est à l'instant où, tout émerveillé de l'Italie, il s'aperçoit qu'il la regarde avec des yeux neufs, ayant oublié d'un coup Taine, Stendhal, Gœthe, tout un poids de livres et de lecture, et tant de vêtements inutiles. Mais quoi, si c'était pour l'avoir oubliée ? et l'enfant, c'est tout naturellement qu'il est nu.
Les vieilles encyclopédies et les psaumes nous ont enseigné que l'aigle dans sa vieillesse sait renouveler ses yeux. Or Franz Hellens rajeunit les siens jusqu'au point que les traits mêmes de la vieillesse lui semblent neufs et plaisants : la solitude qui nous rend à notre fantaisie personnelle, la fatigue qui nous sépare de nos membres, et fait de nos jambes et de nos bras autant de marionnettes ou de mythes qui ont leur volonté particulière : leurs désirs, leurs refus. Mais notre âme, désormais libre de s'envoler toute seule.
Tout se paie dans la vie, et même dans les Lettres. Un livre plat n'a d'autre ressource que de finir sur quelque invention baroque qui le redresse et lui donne du piquant. Mais après tant de boue et de glace et de feux véridiques, Hellens a bien le droit de penser, et je crois même qu'il a osé dire : “Tout est simple.”

Jean Paulhan, 1957, in Œuvres Complètes, Tchou.


Ressources


Texte de Franz Hellens sur Jean Paulhan :


Bibliographie des textes parus dans la NRF

Les textes qui suivent, publiés dans La Nouvelle Revue Française, sont regroupés en quatre grands ensembles, les textes de Franz Hellens, les notes et chroniques de l'auteur, les textes sur l'auteur et enfin, s'ils existent, les textes traduits par l'auteur.

Textes de Franz Hellens

  1. Éclairages, 1922-02-01
  2. Entre la rue et le jardin, 1924-08-01
  3. La petite rousse, 1926-02-01
  4. Odilon-Jean Périer, 1928-04-01
  5. Le Monde Inférieur, 1930-07-01
  6. La petite flûte, 1934-06-01
  7. Julie, 1942-10-01
  8. Julie (II), 1942-11-01
  9. Julie (Fin), 1942-12-01
  10. Le Gyropède, 1954-05-01
  11. Le Prince de Ligne, écrivain libre, 1956-03-01
  12. Positions et suppositions, 1967-08-01
  13. Cet âge qu'on dit grand, 1968-08-01

Notes de Franz Hellens

Ces textes de Franz Hellens peuvent être des notes de lecture d'ouvrages, des notes d'humeur, des critiques de spectacles, des faits-divers, des textes inédits... Ils ont paru dans une "rubrique" de la NRf : Chronique des romans, L'air du mois, Le temps comme il passe , etc. ou dans un numéro d'hommage.

  1. Le souvenir d'Hubert Chatelion, 1955-04-01, Le temps, comme il passe
  2. Thomas Mann, 1955-10-01, Notes
  3. Le Coléondor, 1958-09-01, Le temps, comme il passe
  4. Le mythe chez Albert Camus, 1960-03-01, L'œuvre

Textes sur Franz Hellens

Ces textes peuvent être des études thématiques sur l'auteur, des correspondances, des notes de lecture d'ouvrages de l'auteur ou sur l'auteur, des entretiens menés par lui, ou des ouvrages édités par lui.

  1. Frédéric, par Franz Hellens (Gallimard), par Henri Pourrat, 1935-08-01, Notes : le roman
  2. Mélusine, par Franz Hellens (Gallimard), par Jean Duvignaud, 1954-08-01, Notes : le roman
  3. Les yeux du rêve, par Franz Hellens (Brepols), par Jacques Chessex, 1965-10-01, Lectures
  4. Essais de critique intuitive, par Franz Hellens (Sodi), par Gérard Prévot, 1968-11-01, Notes : littérature générale et essais

Répartition temporelle des textes parus dans la NRf (1908—1968)

On trouvera représenté ici la répartition des textes dans le temps, réunis dans les quatre catégories précédemment définies : Textes, Notes, Traductions, Textes sur la personne.


Bibliographie des textes parus dans la revue Commerce

Les textes qui suivent, publiés dans la revue Commerce, sont regroupés en deux ensembles, les textes de Franz Hellens et les textes traduits par l'auteur.

Textes de Franz Hellens

  1. Indications peu salutaires (p. 77-92), été 1927 [236 p.]

Bibliographie des textes parus dans la revue Mesures

Les textes qui suivent, publiés dans la revue Mesures, sont regroupés en deux ensembles, les textes de Franz Hellens et les textes traduits par l'auteur.

Textes de Franz Hellens

  1. Visite au laboratoire, 15 octobre 1939 [180 p.]