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Portrait de Édith Boissonnas

Édith Boissonnas

Quels sont les traits de l'art baroque ? C'est d'abord l'innocence ou du moins le désir d'innocence :

Ne pourrais-je échapper à mes traces, bâcler
Tout à rebours une nouvelle vie
Personnage plus pur — personnage sans clé.

Le second trait est l'exigence. Le baroque ne sait pas tout à fait ce qu'il veut, mais il le veut fortement : à la fois l'envol et la pesée solide sur terre. D'où vient le voisinage, sans qu'il y ait jamais amalgame ou fusion, du rêve et du réel. Jamais Édith Boissonnas n'utilise ses rêves (comme il arrivait aux surréalistes) pour esquiver les pièges de la rhétorique. Ce sont les brusques passages de la fièvre glacée à la fièvre brûlante et de la neige au feu, qui la défendent des songes et qui nous y jettent.

Quel grillon égaré sous la cendre et qui vive
Longtemps mélancolique au fond de tant d'hivers.

Il s'ensuit une vive rigueur. Car le poète se défend de tout alliage. Il lui faut être, au rebours de l'aventure commune, timide dans ses rêves, hardi dans la réalité. Car :

Il n'est vague qui ne recèle
Le contour brutal d'un caillou.

C'est une rigueur si sensible qu'elle ressemble parfois à de la colère : une colère virile et sans éclats.

D'étonnants paltoquets divinisés retombent
Descendent dans le gouffre velouté, d'où jamais
Ne remonte que le cerveau lourd...

Cependant la poésie baroque, guettée par trop de dangers, se doit d'être précise et stricte. Elle n'est jamais improvisée, mais elle est discontinue ; elle n'a ni les longues laisses, ni la cohérence des poètes classiques ou romantiques. Son poème a parfois l'allure d'un récit :

Même dans le désert on les vit ces limaces
Couvertes d'une transparente carapace
Les forêts s'épaissirent, on y mit le feu...

Ailleurs elle utilise certains tours qui n'appartenaient avant elle qu'à la prose :

Sa vie incolore, un peu fanée
Du point de vue sentimental, s'entend.

Il arrive aussi à force de soins qu'elle glisse à la préciosité, au maniérisme. Et certains poèmes de Paysage cruel ou de Demeures sont voisins des fatras et des baguenaudes :

Il est tant de feuilles qui tournent
Lentes, dans les creux à pourrir
Qui peut revoir comme il était
L'être qui le mettait en transes ? ...

Parfois aussi, l'on songe à Rutebeuf (si Rutebeuf avait su physique et psychanalyse) : c'est le même naturel dans l'alerte et, dans l'aveu, la même rigueur alarmante :

Sur les cartes vivantes, les reines et les rois
Remuaient doucement, on entendait leurs voix.
Je dis à ma compagne, avez-vous vu cela ?
Mais elle se détourne en me disant tais-toi.

Au demeurant, le baroque offre quelques noms glorieux : dans la philosophie, Zénon, Kierkegaard ; dans le roman, Swift, Bernardin de Saint-Pierre, Jarry. Dans la poésie, Perse, d'Aubigné, John Donne...
Ce sont là des hommes et l'on est tenté d'ajouter qu'avec Édith Boissonnas c'est enfin la voix d'une femme que nous entendons. Puis on s'aperçoit que c'est n'importe quel humain qui nous dit dans ses poèmes ce que n'importe quel humain n'avait pas encore dit. Il y a sur ce poète, Shakespeare, qui n'est pas si loin du baroque, un mot étonnant de Charles Lamb : “Shakespeare ressemblait à tous les hommes sauf en ceci qu'il ressemblait à tous les hommes.”

Jean Paulhan, 1950, in Œuvres Complètes, Tchou.


Ressources

Images d'Édith Boissonnas

Edith Boissonnas dans le cercle Paulhan: lyrisme et société, Université de Neuchâtel

Edith Boissonnas, l'écriture à l'état brut, Université de Neuchâtel

La vie libre et audacieuse d’Edith Boissonnas - Le Temps


Voir aussi, de Jean Paulhan :


Bibliographie des textes parus dans la NRF

Les textes qui suivent, publiés dans La Nouvelle Revue Française, sont regroupés en quatre grands ensembles, les textes de Édith Boissonnas, les notes et chroniques de l'auteur, les textes sur l'auteur et enfin, s'ils existent, les textes traduits par l'auteur.

Textes de Édith Boissonnas

  1. Les Limaces, 1953-04-01
  2. Poèmes, 1955-01-01
  3. Poèmes, 1956-04-01
  4. En retard, 1957-11-01
  5. Proses, 1958-09-01
  6. L'Entonnoir, 1959-01-01
  7. Âme, 1959-08-01
  8. Limbe, 1961-03-01
  9. Mue, 1962-01-01
  10. En deçà, 1962-08-01
  11. Notes, 1963-07-01
  12. Poèmes, 1964-09-01
  13. L'Embellie, 1966-03-01
  14. Une approche indirecte, 1967-06-01

Notes de Édith Boissonnas

Ces textes de Édith Boissonnas peuvent être des notes de lecture d'ouvrages, des notes d'humeur, des critiques de spectacles, des faits-divers, des textes inédits... Ils ont paru dans une "rubrique" de la NRf : Chronique des romans, L'air du mois, Le temps comme il passe , etc. ou dans un numéro d'hommage.

  1. Un poème, 1954-03-01, Les revues, les journaux
  2. Étrusques, 1955-12-01, Le temps, comme il passe
  3. L'Œuf, 1956-04-01, Le temps, comme il passe
  4. Tantale, 1958-07-01, Le temps, comme il passe
  5. Un hôte de choix, 1958-11-01, Le mois
  6. Autres vacances, 1959-11-01, Le mois
  7. Les peintures de Bernard Dufour (Galerie Pierre), 1960-05-01, Notes : les arts
  8. Correspondance, 1963-06-01, Le mois
  9. Vasarely, 1964-09-01, Notes : les arts
  10. Z. T., 1965-10-01, Notes : les arts
  11. Galets, 1966-11-01, Présences

Répartition temporelle des textes parus dans la NRf (1908—1968)

On trouvera représenté ici la répartition des textes dans le temps, réunis dans les quatre catégories précédemment définies : Textes, Notes, Traductions, Textes sur la personne.


Bibliographie des textes parus dans la revue Mesures

Les textes qui suivent, publiés dans la revue Mesures, sont regroupés en deux ensembles, les textes de Édith Boissonnas et les textes traduits par l'auteur.

Textes de Édith Boissonnas

  1. Les civilisations, 15 avril 1939 [176 p.]

Bibliographie des textes parus dans les Cahiers de la Pléiade

Les textes qui suivent, publiés dans les Cahiers de la Pléiade, sont regroupés en trois ensembles, les textes de Édith Boissonnas, les textes traduits par l'auteur et les textes dont il est le sujet.

Textes de Édith Boissonnas

  1. Paysage cruel, avril 1946 [218 p.]
  2. Fatras, été 1948 [184 p.]
  3. Poèmes, printemps-été 1951 [206 p.]