Lettre d'Antonin Artaud à Jean Paulhan
par Antonin Artaud[8 mars 1927]
Mon cher ami,
Je vous envoie une note à ajouter au papier que je vous ai fait remettre par Robert Aron. Je souhaite fort que ce papier vous plaise. J'y attache en ce qui me concerne une assez grande importance. Il y avait longtemps que je voulais écrire cela.
Il faut à tout prix que ce papier paraisse, je tiens là dedans à un certain nombre de choses et je serais disposé à sacrifier tout le reste, à accepter tous les changements que vous me proposerez pour que ces choses paraissent. Je crois qu'il importe non seulement à moi mais à beaucoup de gens qu'un article semblable soit publié : nous avons besoin d'une délivrance.
Je passerai demain soir mercredi à la revue,
Bien cordialement vôtre,
Antonin Artaud
À la suite de son exclusion du mouvement surréaliste le 23 novembre 1926, Artaud s’adresse à Jean Paulhan pour que paraisse dans la N.R.F. son texte Les Barbares, par lequel il entend régler son compte au surréalisme. Paulhan refusera la publication en lui répondant : "prenez garde qu’en étant trop absolument révolté contre vos amis, vous vous diminuiez vous-même." Le pamphlet ne paraîtra ni dans la N.R.F. ni ailleurs : "j'avais fait de ces fragments (de textes sur les surréalistes) la matière d'un article qui me fut successivement refusé par deux ou trois revues, dont la N.R.F. comme trop compromettant", se souviendra-t-il. Il éditera À la grande nuit ou Le Bluff surréaliste à compte d'auteur en juin 1927.
(R. Loureau, "Un couple auteur-éditeur : Antonin Artaud et la N.R.F.", in L’Homme et la Société, 1984, vol. 73, n° 1, p. 191-193.)