L'examen de la suggestibilité chez les nerveux, par L. Schnyder, 1905
Jean PaulhanCompte-rendu de lecture paru dans le Journal de Psychologie normale et pathologique, Tome II, 1905, p. 175. Voir l'original dans Gallica
in : Etudes cliniques sur les névroses
(110) — L'examen de la suggestibilité chez les nerveux, par L. Schnyder (Berne). Archives de Psychologie, t. IV, n° 13, août 1904.
S. annonce à ses malades nerveux qu'il va mesurer leur « sensibilité électrique ». Il les fait asseoir dans une pose naturelle, leur recommande de fermer les yeux, puis leur passe aux doigts deux bagues métalliques reliées par des fils à un appareil hors d'usage. S. imprime ensuite quelques mouvements à la manette et demande au sujet de décrire les impressions qu'il ressent. Les réponses, soigneusement notées chez deux cent trois sujets, et réunies font l'objet des observations qu'apporte S.
Plus de la moitié des personnes examinées, soit exactement cinquante-quatre pour cent, ont succombé au piège qui leur était tendu. Beaucoup appartiennent à la catégorie des neurasthéniques ; placés en face de l'appareil, ces malades, en effet, ne sont pas distraits comme les obsédés ou les malades atteints de phobies. Ils s'intéressent à l'examen, le suivent attentivement, se tiennent prêts à signaler et à amplifier les moindres sensations. Ils décriront ainsi, par exemple, des impressions de rétrécissement, de froid, un engourdissement qui gagne le poignet, monte le long du bras, envahit tout le corps et le paralyse.
L'hystérique au contraire ne prend pas l'examen au sérieux. Son indifférence est souvent absolue, et ses démonstrations de crainte même ont quelque chose de factice et de théâtral.
Chez l'hypocondriaque grave et le mélancolique, le résultat de l'examen est encore négatif, dans la plupart des cas. Le malade accueille l'expérience avec scepticisme ; il est sûr à l'avance qu'elle ne sera qu'une preuve de plus de son incurabilité. Et il est ainsi victime d'une autosuggestion négative.
S. montre en terminant comment le procédé qu'il a employé, véritable test de psychologie individuelle, peut encore être utile d'un point de vue curatif. Le médecin révélant en temps utile au malade le piège dans lequel il est tombé, celui-ci se rendra mieux compte de son illogisme mental et comprendra plus volontiers la nécessité de fortifier en lui-même le contrôle raisonnable.
J. PAULHAN.