aller directement au contenu principal
couverture du Journal de Psychologie normale et pathologique

Des phénomènes de paramnésie, par A. Lemaître, 1904

Jean Paulhan

Compte-rendu de lecture paru dans le Journal de Psychologie normale et pathologique, Tome I, 1904, p. 181-182.   Voir l'original dans Gallica

in : IV. Mémoire, Imagination et Opérations Intellectuelles
(109) — Des phénomènes de paramnésie,par A. LEMAITRE (Genève). (Archi- ves de Psychologie. T. III. N° 9. Novembre 1903.)

Les sujets qui présentent des phénomènes de paramnésie ne savent en général ni où, ni comment, ni quand l'impression qui les frappe leur est déjà apparue. Le sujet qu'a observé L. fait exception à cette règle. Il se rappelle dans tous les cas le où — c'était à la même place, — le comment — c'était en rêve — le quand — c'était à telle date approximative ou très précise ; le sujet a été souvent en proie à des hallucinations, à des accès somnambulisme. C'est un excellent visuel, très riche en images mentales. Il n'est pas d'ailleurs question pour lui de paramnésie, mais simplement de rêves qui se réalisent. Voici une ou deux des seize observations rapportées par L. et qui toutes restent à peu près identiques quant au fond :

(6) Je suis à me peigner devant mon miroir et ma brosse tombe. Brusquement, je me souviens du rêve exact que j'avais eu quinze jours plus tôt.

(3) Je rêve que je monte le trottoir devant la laiterie de Vandœuvres et que, de la bordure de granit ou je cheminais, j'apercevais l'intérieur du magasin d'un tailleur qui a déménagé depuis. J'ai fait le rêve le 12 novembre, il se réalisa le 27 décembre.

Enfin le sujet s'aperçoit en même temps « sous son rêve » dans un diagramme des saisons qui est le même pour tous les rêves qui se réalisent et n'apparaît pas en dehors d'eux.

Dans tous les cas, le sentiment de la paramnésie n'est ni voulu, ni prévu. Il dure une seconde au plus ; et le souvenir du rêve ne le précède jamais. A ce sentiment ne participent d'ailleurs ni les sensations gustatives, ni les sensations olfactives.

L. donne de ces faits une explication basée sur la théorie du polygone de Grasset. Etant donné qu'il existe en chacun de nous, à des degrés divers un automatisme supérieur ou psychisme polygonal doué d'une activité propre qui par elle-même n'est pas consciente et ne le deviendra qu'après communication avec les centres supérieurs, on comprend qu'avec une dissociation mentale même très éphémère de ces centres, le polygone puisse enregistrer, de son côté, d'autres perceptions, lesquelles se révèlent ensuite à la conscience comme du déjà vu ou du déjà senti. De plus, on peut supposer, pour la détermination des dates du rêve, que le polygone, grâce à ses nombreuses imprégnations d'associations temporelles, favorise par une attraction spéciale l'illusion que des perceptions toutes récentes sont fort anciennes. Dans tous les cas, la paramnésie consistera ainsi en une reviviscence consciente de perceptions subconscientes de très peu antérieures, mais qui, en vertu même de leur modalité subliminale, apparaissent à la conscience comme beaucoup plus anciennes.

Jean PAULHAN.