Un des premiers de l’équipe : Jean Paulhan
Bernard BaillaudTexte publié dans Écrire sous l'Occupation, Du non-consentement à la Résistance, France-Belgique-Pologne 1940-1945 paru aux Presses Universitaires de Rennes.
La traversée de la guerre par Jean Paulhan cumule tous les éléments d’une redoutable mise à l’épreuve : un homme de plus de cinquante-cinq ans, déterminé mais riche en harmoniques, dont la carrière est très avancée, mais classiquement liée aux arts de la paix, discret et puissant, voit toutes ses amitiés mises en risque. Pour des raisons générationnelles, son destin en 1940 ne pouvait pas être celui de Rivière en 1914 : prisonnier. Son refus de la collaboration active, dès juillet 1940 et l’absence chez lui d’esprit de parti lui ouvrent des possibilités sans lui faciliter la tâche. S’il a subi l’interrogatoire qu’il relate dans « Une semaine au secret », il n’a pas connu de très longue captivité, sinon précisément les jours dramatiques du jeudi 15 au mardi 20 mai 1941. Un numéro rouge de Mesures plaqué contre une fenêtre permit alors à Paulhan d’avertir son voisin Jean Blanzat. De retour chez lui, rue des Arènes, Paulhan écrit à Pierre Drieu la Rochelle pour le remercier et au docteur Le Savoureux, pour information. Mais celui qui a (presque) tout fait pour que la littérature n’eût à reconnaître aucune autre autorité que la sienne propre, et pour écarter l’Église (Isabelle Rivière), les courants (André Breton), les partis (Charles Maurras) de la revue, voit cette stratégie remise en question par une pression plus forte que celles qu’il a eu à soutenir précédemment (...)
(Texte reproduit avec l'aimable autorisation de l'auteur)