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Portrait de Jean Prévost

La Guérison sévère, par Jean Paulhan

Jean Prévost

Ce petit livre paraît un peu ardu dans ses débuts, analyse des pensées d'un malade ; non du délire, mais une sorte de demi-veille exempte de sentiments, et peuplée d'images fixes. Puis la volonté de guérir pénétrant dans cette conscience ralentie, utilisant, pour garder présente l'idée de guérison, la fixité de ces images. Enfin, le vide de la première convalescence. Cette première partie est d'une facture excellente, mais le lecteur, peu habitué à cette pensée, molle et fuyante, craint de rencontrer un livre désuni.
La seconde partie montre le malade vu du dehors, par celle qui l'aime. Les psychologues d'école diraient qu'après son introspection, nous pouvons étudier ses comportements.
Cette seconde partie est un sentiment uni, fort et plein : c'est d'elle que La Guérison sévère tient son unité, son sens et sa force. La volonté de guérison, une jalousie sentimentale absorbée et détruite par un sentiment supérieur, les moments de la lutte, compsent un petit drame intense et serré. La troisième partie, bien que le malade y reprenne le fil du récit, continue la seconde bien plus que la première ; la réconciliation sentimentale précède et prépare la réconciliation avec la vie.
On a plaisir à relire ce petit livre, et à réunir tous ses détails autour de l'unité de sentiment qu'a révélée sa fin. C'est surtout une joie de revenir sur ce style parfait, d'une concision et d'une justesse auxquelles un homme de science semble avoir collaboré avec un artiste. Nos ouvrages contemporains sont remarquables d'ordinaire par l'insuffisance et la fausseté de leurs analyses. Le monologue intérieur est surtout un prétexte à diffusions. Jean Paulhan est une exception éclatante, et peut-être même, étonnés par ce contraste, les lecteurs qui lui reprocheront peut-être l'excès dans les qualités opposées.
Je regrette la sobriété à publier que montre Paulhan et le tirage trop retsreint de La Guérison sévère ; mais si cette œuvre manque le succès, je suis sûr qu'elle durera et se fera apprécier plus tard : elle a cette perfection dépouillée où le temps ne peut mordre.

(Article paru dans Le Disque Vert, 3ème année, 4ème série, n° 3.)