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Entretien avec Jacqueline Paulhan, sur Jean Paulhan

Jacqueline Paulhan

ITW : Bonjour, chère Jacqueline Paulhan. Merci de nous recevoir dans votre appartement, rue des Reculettes, à Paris, pour nous parler de Jean Paulhan, votre beau-père. Mais auparavant, et bien que je sache que vous n'aimez pas beaucoup cela, j'aimerais que vous nous parliez de vous. Pour tous ceux qui n'auraient pas lu, par exemple, votre autobiographie, Une Petite Fille fragile...

JP : Oui, il y en a beaucoup qui ne l'ont pas lue, parce qu'elle n'est toujours pas parue.

ITW : Alors justement, pour tous ceux qui ne sont pas des privilégiés, qui n'ont pas lu les extraits qu'a publiés Françoise Champin dans sa revue, j'aimerais que vous nous parliez un peu de vous, quels étaient vos parents, et où êtes-vous née exactement ?

JP : Je suis née là où je ne voulais pas. Je fus conçue au Canada, portée en Amérique, reportée en mer, et ma mère a failli accoucher en mer. Mais elle a réussi à se retenir, selon le conseil du médecin, et elle a accouché au Havre où elle m'a déposée, comme ça, par hasard. Je ne suis pas restée très longtemps au Havre. Nous sommes allés ensuite, je crois, à Grenoble, et dans l'intervalle, je suis tombée malade, si bien qu'on m'a envoyée à [lézin?]. Je suis revenue à Grenoble, et j'ai commencé une longue carrière d'opérations, de maladies, qui m'ont empêchée d'aller à l'école. Je n'avais qu'une envie, puisque je ne pouvais pas y aller, c'était d'y aller. J'ai fini par faire des études convenables, normales, mais avec un an de retard, quand même.

ITW : Et qui étaient vos parents ?

JP : Mon père était professeur de lettres, ma mère était professeure de lettres également, et tous les deux étaient d'origine très, très simple, très modeste. Les parents de mon père étaient pâtissiers, les parents de ma mère étaient mineurs, enfin, les parents, les pères.

ITW : On en arrive à Jean Paulhan, quand exactement êtes-vous rentrée dans la famille de Jean Paulhan ?

JP : Ça, c'est très curieux. Nous sommes ma sœur et moi, Colette et moi-même, nous sommes d'origine protestante, et nous avons reçu une éducation protestante. Ma sœur est partie aux États-Unis, elle était beaucoup plus pratiquante que moi, elle travaillait dans une chorale du temple de la rue Madame, et j'ai décidé d'aller dans cette chorale pour donner quelques nouvelles à ma sœur. Et puis, il y avait un homme, là, qui chantait, qui avait une très belle voix, qui chantait tout de travers (rires), et je lui ai demandé si la tonalité était trop difficile pour lui. Il m'a dit oui. Je lui ai dit, je vais vous le mettre en do Majeur, si vous voulez, ou en sol Majeur. Alors il m'a dit : "ben, comme vous voulez", donc je lui ai fait la transcription en do Majeur, puis je l'ai portée dans la boîte aux lettres de la rue des Arènes. Ce monsieur s'appelait Frédéric Paulhan, et puis nous nous sommes revus, et il ne connaissait pas un brin de solfège. Le do Majeur, c'était pas mieux que le ré mineur ou le ré Majeur qui se trouvait dans la partition, et nous nous sommes fréquentés, et avons décidé de me présenter à son père. Je me rappelle, je suis arrivée dans la chambre de Jean Paulhan, il était complètement affolé — affolé parce que c'était peut-être la fiancée de son fils, parce que je crois que toutes les femmes l'affolaient, et il m'a donné un livre... il m'a donné un livre comme ça, à tenir dans la main, qui était de dimension modeste, et il m'a demandé si je l'avais lu, je ne l'avais pas lu. Il m'en a mis un second qui était beaucoup plus grand, sur le petit, et encore un plus grand et un plus grand, puis jusqu'au livre de grand format, il faut un bras complet pour tourner la page, et on peut rien lire, parce qu'il y a 3 mots par page. Et je ne pouvais plus me tenir debout, c'était trop lourd, j'ai cherché une chaise, elles étaient toutes encombrassées de livres, je me suis mise sur le lit, en éclatant de rire en posant tous les livres, et voilà ma première rencontre avec Jean Paulhan.

ITW : Et est-ce que la réputation de Paulhan était parvenue jusqu'à vous ?

JP : Ah oui, je le connaissais, c'était une époque où il avait des problèmes avec la presse, je lisais tous les articles, je connaissais, oui.

ITW : C'était quelle époque ? 1950 ?

JP : Je suis brouillée avec les dates, 1949 ? Peut-être ? Non, je ne sais pas les dates.

ITW : Et quel effet t'a fait la maison des Arènes, est-ce que tu t'imaginais que tu pourrais y vivre un jour ?

JP : Non, je n'y ai pas pensé une seconde, moi j'étais en visite, non non, je n'y ai pas pensé une seconde.

ITW : Ça t'a plu comme bâtiment, comme local ?

JP : Je n'ai pas fait grande attention, non, j'étais intéressé par les livres que Jean Paulhan me mettait dans la main, j'avais à peine le temps de lire les titres qu'il m'en mettait un autre, c'était l'affolement réciproque.

ITW : Et alors vous vous êtes fiancés, Frédéric et toi ?

JP : Oui, un peu rapidement, parce qu'il m'a annoncé qu'il repartait pour Madagascar et qu'il attendrait volontiers les trois ans, mais je lui ai dit que je ne les attendrais pas, que je serais mariée en bout de trois ans, c'est vrai.

ITW : Madagascar, tu nous rappelles quelle était sa profession ?

JP : Il était administrateur colonial.

ITW : Et quels étaient les livres que vous aviez dans les mains que Jean Paulhan vous avait donnés ?

JP : Complètement oublié.

ITW : Et à ce moment-là, vous avez donc vu également Germaine Paulhan ?

JP : J'ai vu Germaine, pas ce jour-là, un peu plus tard, quand les fiançailles ont été officielles, parce que ce jour-là, Frédéric a annoncé que j'étais sa fiancée, mais il n'en était pas question. Moi, ce n'était pas une idée que j'avais dans la tête. Et après, ça a été plus officiel. À ce moment-là, j'ai connu Germaine et Germaine était très gentille. Elle était très gentille avec son beau-fils, Frédéric, qui lui en était très reconnaissant. Elle était très gentille avec moi aussi, mais elle était très malade.

ITW : Et vous avez connu également la vraie maman de Frédéric,

JP : la vraie mère de Frédéric ? Ah non, non, non, pas du tout. Ah non, elle était décédée bien avant.

ITW : Sala était décédée ?

JP : La mère de Frédéric ? Ah pardon, je pensais à la mère de Jean Paulhan, non, non, non. La mère de Frédéric, si, si, je l'ai très bien connue. C'était une polonaise juive, blonde, qui avait eu beaucoup de malheur dans sa vie. Elle avait une jambe artificielle, parce qu'elle avait eu un accident grave. Et elle dirigeait une librairie. Et ma foi, elle se démenait beaucoup pour vivre, et c'était difficile pour elle. Et elle m'a très bien accueillie aussi, et même une fois, avec une parole qui m'a presque un peu blessée, elle m'a dit, "enfin, une intellectuelle". Parce que je suppose que Frédéric avait dû présenter des filles qui ne paraissaient pas assez intellectuelles à ses yeux, quelque chose comme ça, mais moi, ça m'avait blessée (rires).

ITW : Donc vous voilà arrivée dans la famille de Jean Paulhan.

JP : ...blessée pour les autres, pas pour moi. Oui.

ITW : Une petite question.

JP : Oui.

ITW : Sala avait des sœurs. Tu les as bien connues ?

JP : Ah oui, je les ai très bien connues. Beaucoup plus que Sala, parce que Sala est morte pendant notre séjour à Madagascar. Quand je suis revenue, Lola et Stépha étaient encore vivantes. Stépha était la femme de Léon Brillouin, nobélisable, et qui a été ministre aussi sous Pétain, ce qui lui a causé beaucoup de tort. Mais c'était son tour d'être ministre, c'est tout. C'est un scientifique de très haut niveau. Il a inventé les éléments du transistor. Et la seconde sœur s'appelait Lola. Elle tenait une boutique de haute couture, et c'étaient des tempéraments toutes les deux ! Mais je me rappelle surtout de Lola, parce que Stépha et son mari Léon Brillouin vivaient aux États-Unis. Tandis que Lola vivait en France, et tous les Noëls, on avait une grande soirée, toute la famille, chez Lola. Et il y avait du caviar, une boîte d'un kilo de caviar ! et il y avait une langue de bœuf. Et le caviar, moi je n'aimais pas beaucoup, mais surtout il y en avait trop. Moi j'étais la seule maigre de la famille à cette époque, et j'entendais toujours la tante Lola dire : « Jacqueline, vous êtes maigre ? Eh bien vous finissez le caviar." Alors je finissais le caviar et je n'en pouvais plus. Et il en était de même pour la langue de bœuf. Je sortais absolument avec une indigestion générale.

ITW : Est-ce que vous vous souvenez de quelle impression vous a faite votre beau-père, la première impression avec Jean Paulhan ?

JP : Ah, de quelqu'un de très aimable, très attentif, très gentil. L'impression était bonne. Elle était confuse dans ma tête, mais elle était très bonne.

ITW : Est-ce qu'il vous a donné des conseils ?

JP : Aucun, je n'en ai pas demandé.

ITW : Et comment s'est installée votre relation progressivement avec votre beau-père ?

JP : Mais quand on s'est installés, rue des Arènes. Au retour de Madagascar, je n'ai pas voulu repartir à la colonie parce que j'avais Jean-Kely, mon fils. On ne peut pas élever correctement un enfant dans des colonies. Ils sont gâtés, pourris, choyés par le personnel.

ITW : Votre fils est né en 1951 ?

JP : En 1951, à Madagascar. Et je ne voulais pas qu'il fasse... qu'il ait son enfance, que le pli soit pris à Madagascar. Donc je suis restée, Frédéric, mon mari était d'accord. Mais nous nous sommes installés, rue des Arènes. Et nous n'avions qu'une chambre, parce que pour le moment, ce n'était pas pour longtemps. Et nous espérions trouver un appartement. On n'a pas trouvé, naturellement. À cette époque, c'était introuvable. Mais on était très bien. Par la suite, on a eu un petit peu plus de pièces, on a eu deux pièces. Et même une troisième au grenier, que j'ai découverte. Mais on n'a pas été capables, ni Jean Paulhan, ni nous-mêmes, de se faire des appartements. On se traversait continuellement. Mais ça ne nous gênait ni les uns, ni les autres.
Ma mère était offusquée. Elle me disait, comment peux-tu vivre comme ça ? Je dis, oh mais ça va très bien...

ITW : Justement, parlez-nous un peu de cette vie, rue des Arènes. Comment ça se passait la vie domestique, à la maison rue des Arènes avec Jean Paulhan ?

JP : Eh bien il y avait des domestiques, qui étaient les dragons de la maison, qui étaient très difficiles à vivre, qui prenaient la main sur tout le monde. Ils étaient très dominateurs. Et puis, il y avait les repas familiaux, qui étaient dans la salle à manger. Et on mangeait tous ensemble, y compris une infirmière. Il y avait Germaine, qu'on descendait avec précaution, qui pouvait encore marcher... Vous savez, je clignote des yeux, parce qu'en fait, le soleil m'éblouit.

ITW : Et tu veux qu'on change de position ?

JP : Non.

ITW : Bon, ça sera coupé au montage.

JP : Oui, mais l'éclairage est très bon.

ITW : On peut tirer le store un tout petit peu, mais cela te gêne ou pas ?

JP : Non, mais pourquoi, cela gêne ?

ITW : Non, l'image est parfaite, donc ce ne sera pas pour toi. Voilà, on redémarre.

ITW : Quels étaient les gens autour de la table de la manger ?

JP : Alors il y avait la famille Choffé, c'est-à-dire Odette et son mari, Frédéric Choffé. Il y avait les quatre enfants d'Odette et Frédéric. Il y avait mon beau-père évidemment, il y avait Germaine, il y avait Frédéric, il y avait moi, et il y avait encore l'infirmière. Et puis plus tard, quand les enfants étaient plus grands, cette époque-là, au début ils mangeaient chez eux, enfin avant le repas, ils venaient à table aussi. Donc c'était des très grandes tablées, et tout le monde était très bien comme ça, c'était parfait. Et on parlait, on parlait beaucoup. Et puis d'un coup il y avait de grands silences, mais qui n'étaient pas du tout des silences gênants. C'était qu'on avait dit quelque chose d'important, et que tout le monde réfléchissait de son côté. Et puis tout d'un coup, la conversation reprenait, parce qu'on avait trouvé des solutions, l'un ou l'autre, et c'était très curieux. Et le matin au petit-déjeuner, c'était plus restreint, les gens, la tablée, elle était plus petite. Mais je trouvais dans mon bol, le matin, un petit papier que Jean Paulhan avait écrit dans la nuit pour me donner une réponse ou une question, ou quelque chose comme ça. Et moi je répondais avec un petit papier que je mettais dans son bol le lendemain matin, et on correspondait comme ça par petits papiers.

ITW : Je crois que vous avez une relation de belle-fille à beau-père, ou vous aviez une relation plus intellectuelle ? ou plus...

JP : Ecoutez en tout cas, c'était une très bonne relation. Il me tutoyait, moi je le vouvoyais. Il aurait bien voulu que je le tutoie, mais je n'y arrivais pas. Il m'emmenait partout avec lui. Absolument partout. Je dis ça quand il y avait Frédéric, qui était à Madagascar, quand il était sur place il m'emmenait avec lui. Il nous donnait beaucoup de ses invitations. On était de toutes les premières, etc. J'allais beaucoup avec mon beau-père, et en particulier, je suis allée chez le Général de Gaulle, qui a été une grande expédition. Pour mon beau-père comme pour moi, il était comme un jeune homme ce jour-là. Vraiment, il ne faisait pas son âge du tout, et moi non plus, parce que je faisais très jeune à cette époque, et j'avais une très belle tenue que m'avait prêtée ma tante Lola, et quand nous sommes arrivés chez le Général de Gaulle...

ITW : C'était à quelle occasion ?

JP : On réunissait les intellectuels.

ITW : Avec Malraux peut-être ?

JP : Oui, oui, il y avait Malraux. Jean me dit : "j'annonce M. Paulhan, ça simplifie". Alors on a annoncé "M. & Mme Paulhan", et évidemment il y avait une grande différence d'âge. J'ai eu droit à un très grand sourire, interrogateur, du Général de Gaulle, parce qu'il trouvait que j'étais bien jeunette pour ce Jean Paulhan. Et puis j'ai fait des rencontres très drôles. En particulier, j'ai rencontré... enfin, j'ai rencontré... Je restais à côté de mon beau-père, et il y avait un académicien qui était toujours avec nous. Et Jean Paulhan était un petit peu énervé, et puis quand il est rentré à la maison, il dit, tu sais, je ne le connais pas cet académicien, mais il ne te lâchait pas des yeux, tu ne t'en es pas rendu compte ? je dis non. Parce que d'habitude, je ne le vois jamais, il n'a pas pu nous lâcher. Et pendant la nuit, cet académicien est mort. Alors, le lendemain matin, Jean Paulhan me dit, "tu vois, tu l'as tué !" Il n'en démordait pas.

ITW : Alors, je sais que votre beau-père aimait bien jouer,

JP : Il jouait énormément.

ITW : Quels étaient ces jeux ?

JP : Alors, les jeux de cartes, où il trichait énormément, mais je le voyais faire (rire). Je prévoyais les choses. On jouait au "coeur sur la main". C'était un jeu à plusieurs degrés, et il était très fort. Et moi, qui avais l'air bête, il y avait une manière de contrecarrer les effets des premiers jeux. Je le faisais régulièrement, et personne n'arrivait à le croire. Alors ça l'énervait, parce que je gagnais. Il y avait un autre jeu, c'était le...

ITW : Le diamino ?

JP : ah le diamino, oui. Le diamino, c'était un jeu de lettres, qui a précédé le... ce que l'on joue maintenant, comment ça s'appelle, ce jeu de lettes.

ITW : le Scrabble ?

JP : Le Scrabble. C'était moins intéressant que le Scrabble, mais Jean Paulhan aimait beaucoup, parce que c'était des mots. Il préparait dans sa veste des petits mots très compliqués, et on le voyait, pendant le jeu, sortir des mots, essayer de les placer... Et puis, il écrivait des mots avec une mauvaise orthographe, exprès, en disant, "mais ça s'écrit aussi comme ça". Ça faisait partie de sa tricherie. Aux boules, il ne trichait pas ! Les boules, pour lui, c'était un jeu très sérieux. Et tous les dimanche matin, on jouait aux boules dans les Arènes de Lutèce, et moi, j'y allais, non pas pour l'amour des boules, parce que ça ne m'intéressait pas beaucoup, mais parce qu'on y rencontrait des tas de gens très intéressants, et on parlait en même temps qu'on jouait aux boules.

ITW : Vous alliez dans son bureau, rue des Arènes ?

JP : Ah oui, oui, oui.

ITW : Est-ce qu'il vous est arrivé de l'aider à faire des lettres ou du secrétariat ?

JP : Non, pas vraiment, pas vraiment, surtout pas au début. Il a eu une secrétaire qui devait lui ranger ses livres dans la bibliothèque, alors il l'a installée dans la bibliothèque. Puis au bout de deux heures, il est monté voir si tout allait bien, il l'a trouvé toute nue. Ça l'a absolument agacé, il l'a renvoyée. Il a eu un secrétaire, non, une autre secrétaire qui lui volait des livres. Alors ça l'a agacé également quand je lui ai fait remarquer que c'était tous les jours où elle venait que des livres disparaissaient. Et puis là, on en a encore eu d'autres qui ont été plus ou moins sérieux. Ça n'a pas beaucoup marché. Moi, j'étais très discrète, je ne m'en occupais pas du tout. Mais quelques fois, je mettais un petit peu d'ordre dans sa chambre et il y avait des manuscrits qui étaient en pile. Puis j'avais trouvé un manuscrit qui m'intéressait. Je l'ai mis sur le dessus de la pile et puis je l'ai retrouvé en-dessous. Alors je l'ai remis dessus. Puis la troisième fois, j'ai mis un petit papier "je trouve que ce manuscrit est intéressant". Alors il l'a lu et il l'a publié, et il a eu un prix. Alors, j'étais très contente. Et puis, un livre d'Éric Westphal, je ne sais plus très bien, La Manifestation, quelque chose comme ça. Et il m'a demandé d'écrire des articles pour la NRF, sur le cinéma. Je n'ai pas voulu, parce que je n'avais pas de culture cinématographique. Et alors, il m'en a fait faire un sur un livre, sur un film très joli, je crois, les Nuits de Cabiria. Et je lui ai dit, je vais vous faire un compte-rendu qui sera vif, qui sera bien. Mais je ne pourrais pas le replacer dans le contexte cinématographique. Je ne connais rien au cinéma, je n'ai pas de culture cinématographique. Et quand il a lu l'article, il a été absolument d'accord avec moi. Et l'article n'a pas paru. Mais il m'a demandé de faire des comptes-rendus de livres alors. Il m'a dit, bah écoute, je t'en donne deux, il y en a un qui est vraiment nul. Tu donneras les arguments pourquoi il est nul. L'autre est bien, tu me diras pourquoi il est bien. Et j'ai lu les deux romans, et puis je n'étais pas d'accord avec Jean Paulhan. J'avais beau les relire, non, ce n'est pas possible, alors j'ai dit "écoutez Jean, Je suis désolée, mais le nul, c'est celui que je trouve bon". Et j'ai donné mes arguments. "Et le bon, je le trouve inutile". Alors, il m'a embrassée, il m'a dit, bravo, c'est exactement ça. Je t'avais induite en erreur exprès. Mais je n'ai pas fait d'articles, parce que à ce moment, j'ai été enceinte de ma fille, je suis tombée malade, et tout est tombé à l'eau.

ITW : En 1953?

JP : Oui, par là. 1954.

ITW : Dans vos conversations privées, est-ce que Jean Paulhan te parlait parfois de deux femmes qui avaient quand même beaucoup compté dans sa vie, Jeanne, sa mère, et Suzanne, la tante Suzanne.

JP : Quand je parlais de sa mère, il restait songeur, il se touchait l'oeil, ce qui était un signe d'émotion, et il déviait la conversation. Il ne m'a jamais parlé de ses parents, ni de sa tante, ni de sa mère. Ni de son père.

ITW : De son père, non?

JP : Jamais. Jamais.

ITW : Et le grand-père? Le grand-père Jean?

JP : Jamais, non plus. Non plus.

ITW : Donc, la vie de famille s'organisait ainsi rue des Arènes, et je crois qu'il avait aussi une passion pour les animaux.

JP : Oh, terrible! Terrible, on avait des animaux qui couraient partout dans la maison de la rue des Arènes, et qui faisaient des dégâts, qu'on était obligés de porter ensuite au Jardin des plantes ou au vivarium, parce qu'on ne pouvait plus les supporter. Je me rappelle un petit fennec qui était très joli, très mignon, mais qui faisait ses besoins dans les tableaux, donc ce n'était pas admis. On a dû le porter au Jardin des Plantes... On a eu un petit hamster. Ce petit hamster a disparu pendant plusieurs jours. On l'entendait crier... On l'a retrouvé coincé contre un tuyau d'eau chaude bouillante, il souffrait le pauvre. On a eu du mal à le ressortir de là, en très mauvais état, alors on l'a porté aussi au Jardin des Plantes parce qu'il se perdait dans la maison. On a eu un singe, un petit singe qui sentait mauvais. Qu'est-ce qu'on a eu?

ITW : Un caméléon, non?

JP : Enfin, pas de mon temps, pas de caméléons. On a eu des chats, beaucoup de chats, un petit chat roux, et je me rappelle une anecdote assez amusante. René-Louis Doyon était venu un matin de bonne heure, un dimanche matin, à 7h du matin pour voir Jean Paulhan. Evidemment, quand je lui ai ouvert tout ensommeillée, je lui ai dit je crois qu'il n'est pas encore réveillé, c'est un peu tôt. — Ah bon, je me rendais pas compte, etc. Et il était très, très embarrassé. Et puis voilà que sort le chat roux, ce chat roux, et il dit, oh, qu'il est beau, ce chat ! Puis vous savez, ça doit être un très bon ratier parce que les chats roux, ils sentent mauvais. C'est comme les hommes. Et à ce moment, mon fils roux étincelant sort du bureau, il le voit, le pauvre René-Louis Doyon, j'ai cru qu'il allait s'évanouir. Il ne savait plus comment s'en sortir.

ITW : Puisque vous parlez de René-Louis Doyon, quelles étaient les autres personnes que vous avez vues, rue des Arènes, qui vous viennent à l'esprit ?

JP : J'en ai vu beaucoup. Pierre Oster, Alain Robbe-Grillet, Jouhandeau, beaucoup, Jouhandeau. Beaucoup qui ne me viennent pas à l'esprit...

ITW : La famille Ponge, Audiberti ?

JP : Oui, oui, Audiberti, bien sûr. Mais je me rappelle qu'il y avait un rituel, c'était le rituel du jus de fruits. À midi, Jean recevait ses amis et je devais monter pour lui faire un jus de fruits avec un appareil qui s'appelait Turmix, dont il était très fier. Alors je faisais des jus de fruits, je servais tout le monde et je m'en allais. Mais un jour, je ne me suis pas en allée parce que j'ai été retenue, il m'a dit, "Jacqueline ne t'en va pas, André Breton va venir". Et André Breton a frappé à la porte, ils s'étaient perdus de vue et même fâchés depuis très longtemps et j'ai vu Breton entrer, je n'ai pas vu l'expression de Breton. Mais j'ai vu celle Jean qui s'est illuminée de joie de retrouver André Breton. Ils se sont embrassés, serrés dans les bras, etc. Et puis Breton s'est tourné vers moi et il a dit, "puis-je céler notre amitié retrouvée avec un baiser sur le front de cette belle enfant ?" Donc j'ai été embrassée par les grosses lèvres d'André Breton.

ITW : Et vous avez vu Francis Ponge également ?

JP : Bien sûr, j'ai vu Francis Ponge.

ITW : Pascal Pia ?

JP : Non, Pascal Pia je l'ai vu de mon côté moi-même.

ITW : Après la mort de Jean Paulhan.

JP : Après la mort de Jean Paulhan, je ne l'ai pas vu du vivant de Jean.

ITW : Et on recevait des amis écrivains ou peintres, à déjeuner, rue des Arènes ?

JP : Très peu, parce que nous manquions de vaisselle. Et on n'arrivait pas, je me rappelle une fois, on avait voulu inviter deux personnes et on a fait un menu, mais c'était le soir, on n'avait pas assez d'assiettes à soupe, donc on a supprimé la soupe. On a dit, on va faire une salade, mais on n'avait pas de saladier, on a supprimé la salade. Et ça a été comme ça, de proche en proche. On a dû servir du riz et du jambon, parce qu'on n'avait rien du tout pour faire la cuisine. C'était extrêmement pénible.
Et je me rappelle que quand on cassait quelque chose, par exemple une théière, on allait à la cave et on jetait la théière. On cherchait une théière moins cassée parmi toutes celles qu'on avait jetées, et on remontait la théière ou la cafetière. On vivait dans une certaine difficulté. Les rideaux était mangés, les vitres étaient cassées, etc. On les recollait avec du scotch, c'était très miteux. Et on n'arrivait pas à faire autrement. Jusqu'au jour où j'ai décidé de proposer à Jean, en lui disant, nous avons beaucoup de chambres libres, depuis que les Choffé sont partis, et au lieu de les laisser vides, on pourrait les louer à des étudiants. Mon beau-père a dit, "mais quelle bonne idée ! c'est ce que faisait ma mère !". Alors je me suis mis à repeindre, à refaire des dessus de lit, etc., à réinstaller des chambres. On les louait ces chambres, on les louait très facilement. D'abord parce qu'on les louait très bon marché, et deuxièmement parce que les gens se rendaient compte qu'ils allaient chez Jean Paulhan. Donc ils étaient tout contents d'y aller. Et on avait des étudiants très gentils, très coopératifs, qui nous aidaient beaucoup. Je me rappelle qu'il y en avait un qui s'appelait Raoul Gila, qui était un acteur roumain et il avait beaucoup de fêtes, et il m'invitait toujours. Il a même eu la sœur de la reine d'Angleterre, chez lui, dans sa chambre ! Il est venu me chercher en vitesse, mais je n'étais pas là.

ITW : Je crois qu'il a eu une fin tragique, cet acteur...

JP : Il s'est fait tuer. Mais pas rue des Arènes. Quand il était parti de la rue des Arènes.

ITW : Alors dites-moi, puisque vous me dites que vous avez fait les travaux pour aménager ces chambres, pour pouvoir les louer, dites-nous ce que vous avez fait pour les tableaux et les sculptures de la salle à manger, dans la rue des Arènes. Vous aviez bricolé quelque chose pour pouvoir les installer, les mettre en valeur ?

JP : Enfin, on avait construit, j'avais fait un plan de casier pour mettre les tableaux. Je ne l'ai pas construit moi-même, mais il a été construit par, je pense, un menuisier.

ITW : Selon votre idée ?

JP : Selon mon idée. Ils étaient rangés par taille, parce qu'on ne pouvait pas faire autrement. Ils étaient rangés de champ, et on pouvait les sortir très facilement. Et puis ils étaient accumulés un peu partout. On ne pouvait pas mettre ces tableaux en valeur, et on manquait de place pour mettre les livres. Parce que quand je suis arrivée rue des Arènes, je suis allée au grenier, et dans le grenier, il y avait une grande pièce d'entrée, et on ramait littéralement au milieu des livres pour se déplacer. Il fallait les déplacer pour se faire un chemin au milieu des livres. Alors j'ai proposé à Jean de les classer, de les trier, de faire des étagères. J'ai fait des tas d'étagères dans ce grenier, et j'ai mis des livres et on les a retrouvés. C'était beaucoup plus commode, et mon père était très content. À cette faveur, à la faveur de ce rangement, j'ai trouvé une petite pièce dont j'ai dit que j'allais faire mon bureau. Elle était tout en sous-pente. Il y avait une lucarne grande comme ça, et on ne pouvait pas se tenir debout partout. J'ai dit que je voudrais bien prendre cette petite pièce pour m'en faire un bureau. Ah, il dit, "c'était celle de ma mère". Ça l'avait beaucoup touché. J'ai eu cette petite pièce dans laquelle je m'installais, mais elle était très inquiétante, parce que les jours de grand vent, elle branlait. Personne ne voulait me croire, mais c'était vrai. Une fois, j'ai eu un témoin qui a dit « Mais oui, elle bouge ! »

ITW : Au moment de la préparation des œuvres complètes, il y a un autre étudiant, un étudiant un petit peu plus vieux qui est venu vous rejoindre, c'était Jean-Claude Zylberstein. Comment ça se passait ?

JP : Jean-Claude Zylberstein était très adroit, il était très intelligent, il connaissait bien l'œuvre de Jean Paulhan, et il a tout de suite fait la conquête de Jean Paulhan et il faisait les œuvres complètes avec Pierre Oster et un autre troisième personnage dont le nom m'échappe, décédés depuis, et ils ont beaucoup travaillé. Mais Pierre Oster, je me rappelle que c'est moi qui suis à l'origine de la demande, parce que Jean-Claude Zylberstein voulait trouver quelqu'un d'autre pour l'aider, et je me rappelle, j'ai dit à Jean Paulhan « Mais pourquoi pas Pierre Oster, mais il ne voudra jamais ? » Et à notre grande surprise, Pierre Oster a accepté tout de suite.

ITW : On va faire un peu le tour des gens que vous auriez pu voir ou rencontrer chez... aux Arènes, par exemple Jérôme Lindon.

JP : Oui, je l'ai rencontré aux boules. C'était un gaulliste acharné.

ITW : Quelles étaient ses rapports avec Jean Paulhan, à votre avis ?

JP : Très faciles.

ITW : Des rapports confraternels, entre éditeurs.

JP : Oui, c'est ça.

ITW : Maurice Toesca ?

JP : Maurice Toesca, je l'ai vu beaucoup aussi, c'était un bon bouliste, je l'énervais énormément parce que je jouais comme ça. "Vous ne jouez pas avec votre cœur, vous jouez avec votre tête", non le contraire, "vous ne jouez pas avec votre tête, vous ne réfléchissez pas, vous jouez avec votre coeur". J'ai dit "Ça me réussit !", Ah il n'était pas content.

ITW : C'était des parties de boules qui étaient organisées après le déjeuner ?

JP : Non, le matin.

ITW : Vous avez vu Blanzat aussi, quand vous avez joué aux boules ?

JP : Blanzat venait jouer aux boules, bien sûr, il venait à la maison aussi.

ITW : Il était voisin, je crois ?

JP : Il était voisin, il habitait rue de Navarre.

ITW : Oui. Il y a une anecdote célèbre... tu ne l'as pas vu, parce que tu n'étais pas encore mariée. C'est l'histoire de la ronéo des Arènes.

JP : Ah oui, c'est pas une anecdote, il a aidé Jean Paulhan en pleine nuit à casser la ronéo en petits morceaux et à la porter, "fort comme un turc" disait Jean Paulhan, à la porter, à la jeter dans la Seine.

ITW : Vous avez accompagné Paulhan à la NRF également ?

JP : Oui, il m'a invitée plusieurs fois dans son bureau. Je rencontrais des gens qui venaient et puis je suis venue à toutes les parties qui se donnaient avant l'été à la NRF, où il y avait énormément de monde. C'était très intéressant, on rencontrait vraiment le gratin de la littérature.

ITW : Vous voulez dire les cocktails Gallimard ?

JP : Oui.

ITW : Oui parce qu'il y avait tout de même une vie littéraire qui n'existe plus. Il y avait quand même une vie littéraire qui n'existe plus. Par exemple, vous avez été invitée aussi chez Florence Gould, non ?

JP : Oui, je suis allée souvent chez Florence Gould. Oui, oui. Je me rappelle.

ITW : À l'Hôtel Meurice ?

JP : À l'Hôtel Meurice. Mais j'avais vu Florence Gould avant mon mariage, nous sommes allés avec Frédéric, et elle nous avait demandé, elle avait dans sa salle à manger, un tableau d'un maître italien ancien, un très beau tableau et elle avait beaucoup de choses dans cette pièce. Elle m'a dit, Jacqueline, choisissez ce que vous voulez comme cadeau de mariage. J'ai choisi un petit appareil à transistor parce que je savais qu'on n'aurait pas d'électricité à Madagascar et Jean mon beau-père m'a dit "pourquoi tu n'as pas demandé le tableau ? J'espérais tellement que tu demanderais le tableau", je lui ai dit "mais écoute je n'ai pas osé !".

ITW : Puisqu'on parle tableaux justement, est-ce que vous vous souvenez des tableaux qu'il aimait mettre en valeur et qu'il aimait avoir à côté de lui ?

JP : Chirico, Dubuffet, Braque. Il y en avait plusieurs, il les avait à portée de vue.

ITW : Et dans la salle à manger, il y en avait ?

JP : Dans la salle à manger, il y avait des Fautrier, la salle à manger était consacrée à Fautrier. Il y avait des grands tableaux de Fautrier dont un avait été lacerré par Fautrier lui-même parce qu'il ne le trouvait pas beau, et puis il y avait des dessins aussi de Fautrier.

ITW : Il y avait un personnage bizarre à la NRF.

JP : Oui, il y avait beaucoup.

ITW : Mais parmi eux, Roland Purnal. Est-ce qu'il venait aux Arènes ?

JP : Oui, il venait. Il venait déjeuner avec nous. Il était dans une misère effroyable et d'une dignité absolument extraordinaire. Je ne sais pas où il vivait ni ce qu'il faisait. Je sais qu'il corrigait les épreuves à la NRF, et il les corrigeait si mal qu'il fallait les refaire derrière lui, et qu'on lui a donné un bureau qui d'après Elizabeth Porquerolle était un placard ! Mais vraiment, ça avait l'étroitesse d'un placard. Il y avait la place de mettre une chaise et une planchette.

ITW : Elizabeth Porquerolle... parle de nous un peu d'elle.

JP : C'était une voisine du point de vue géographique, elle habitait dans une rue très voisine parallèle à la rue des Arènes. Elle avait...

ITW : Écrivain elle-même ?

JP : Elle était écrivain elle-même, très originale, dans tous les domaines d'ailleurs, et elle ne supportait pas Dominique Aury. Parce que Dominique Aury n'était pas nîmoise. Alors qu'elle, elle était nîmoise ! Donc c'était elle qui devait être avec Jean Paulhan et pas Dominique Aury. C'était son raisonnement. Pas si faux d'ailleurs, parce que Jean Paulhan avait un faible pour les nîmois. Pour Yves Bergé, pour Marc Bernard, etc.

ITW : À propos des origines nîmoises de Jean Paulhan, est-ce que vous avez senti une culture protestante dans la famille Paulhan ?

JP : Oui, parce qu'au regard de l'argent les protestants sont très stricts. On n'aime pas les petites magouilles, etc. Et ça, c'était très net chez Jean Paulhan. Et puis...

ITW : Une rigueur morale ?

JP : Pardon ?

ITW : Une certaine rigueur morale ?

JP : Une rigueur morale dans tous les domaines. Mais Jean Paulhan aimait mentir, aimait tricher et annoncer qu'il le faisait.

ITW : Donc ça n'était plus mentir ?

JP : Ça n'était plus mentir. Il disait, il écrivait même une fois à sa mère, "je ne pourrais plus mentir, pourtant c'est si bon de mentir".

ITW : Est-ce que Pierre, le frère de Frédéric a vécu aux Arènes ?

JP : Non, jamais. Jamais.

ITW : On va parler de quelques familiers de la rue des Arènes. Peut-être avez-vous rencontré également la couturière Florence Jonquières ?

JP : Florence Jonquières n'a rien d'une couturière. Elle était tisserande et musicienne. C'était une amie à moi. Alors il y a eu un éditeur qui s'appelait Henri Jonquières qui a édité la correspondance de Goethe et Eckermann et qui a rencontré une fois Jean Paulhan mais enfin il ne se connaissaient pas.

ITW : Et Florence Jonquières, donc vous dites qu'elle était ?

JP : C'était ma meilleure amie à l'époque. Et la marraine de mon fils. Elle a fait des études de musique, elle a une licence de musique, de piano et, elle n'a pas percé dans ce métier, qui est très difficile. Elle a fait du tissage à la main et maintenant je ne sais plus comment elle vit, c'est très difficile.

ITW : Elle vivait rue des Arènes ?

JP : Jamais.

ITW : Elle n'a jamais vécu rue des Arènes, elle venait régulièrement ?

JP : Jamais. Quand elle venait, c'était pour me voir moi, mais il n'y avait aucun lien avec Jean Paulhan.

ITW : Mais il y a eu la famille Dunant qui a fréquenté les Arènes. Comment est-ce que tu as fait connaissance avec eux ?

JP : Alors il y a Pierre, comment il s'appelle ?

ITW : Franck ?

JP : Franck Dunant faisait des études de violoncelle avec Pierre Fournier et il n'avait aucun endroit pour répéter. Alors je lui ai proposé mon bureau et je lui ai dit il faut quand même demander à mon beau-père si ça ne le gêne pas d'entendre le violoncelle travailler. Alors il a fait deux ou trois jours de répétitions dans mon bureau qui était quand même au dernier étage sous les combles et on l'entendait dans la maison mais légèrement. Mon père a trouvé que c'était magnifique. On était très contents donc il est venu pendant un an travailler tous les jours.

ITW : Jean Paulhan trouvait ça magnifique ?

JP : Oui, oui. Je crois que son père jouait du violoncelle, non ? Je me demande.

ITW : Et on écoutait de la musique, rue des Arènes ?

JP : Pas du tout mon père n'était pas musicien du tout. Mais pas du tout. Il aimait ce compositeur qui fait des titres extrêmement drôle... Satie ! Il l'aimait pour ses titres mais pas pour sa musique. Il avait reçu un disque de Satie et il me l'a immédiatement donné en me disant "tu me diras si c'est bien. Je n'ai pas envie de l'écouter". Ça ne l'intéressait pas.

ITW : Et donc, rue des Arènes, à la NRF, vous avez rencontré d'autres écrivains, d'autres amis de Jean Paulhan ?

JP : Oui. Je voudrais plutôt citer des noms.

ITW : Jouhandeau par exemple..

JP : Jouhandeau je l'ai vu beaucoup, beaucoup.

ITW : Il venait avec sa femme ?

JP : Oui. Elle avait des yeux brasillants, elle était extraordinaire mais elle était insupportable.

ITW : Elise...

JP : Oui, Elise... Il l'appelait Cariatis. Ils venaient tous les deux chez Florence Gould aussi. Il y a Barbara Church aussi qui a joué un rôle important dans les amis de Jean Paulhan. C'était aussi une riche américaine, qui avait une belle propriété. J'ai beaucoup rencontré Mandiargues que j'aimais bien. Je me rappelle Mandiargues m'emmenant une fois chez Barbara Church par une journée de grand bouillard et en voiture, à toute vitesse, et me disant "vous comprenez Jacqueline, par jour de bouillard je suis comme tout le monde. Je suis archimyope, je vois rien, mais personne ne voit rien de jour de bouillard. Alors je fonce".

ITW : C'était en banlieue parisienne... Ils avaient fait construire une villa en banlieue parisienne. Vous n'avez pas connu Henri Church ? Le mari de Barbara.

JP : Je ne me rappelle plus mais Barbara Church, très bien.

ITW : C'était ceux qui ont financé plus ou moins la revue Mesures.

JP : C'est ça.

ITW : Jacques Audiberti venait aussi ?

JP : Oui. Il a même pris une chambre.

ITW : Ah oui ?

JP : Elle lui a pas convenu. Oui, il s'est fait prêter. Mais elle ne lui a pas convenu. Jacques Auiberti était un perpétuel insatisfait. Il passait son temps à déménager, à chercher des chambres qui ne lui convenaient jamais.

ITW : Est-ce qu'il venait avec ses filles quelquefois ou pas ?

JP : Non. J'ai rencontré Marie-Louise Audiberti après la mort de Jean et de Jacques.

ITW : Alors on va parler si vous voulez bien d'un épisode un peu plus tardif. C'est l'épisode d'Histoire d'O. Comment ça va ?

JP : L'Histoire d'O, c'est drôle, c'est arrivé. Moi, ça m'est arrivé aux oreilles par la presse. Et j'en ai parlé à Jean Paulhan. Il a dit oui, oui, c'est un très beau livre. Alors je dis, mais je voudrais bien l'avoir. Il dit, j'en ai pas beaucoup. Enfin, je vais voir si j'en trouve. Il était très embarrassé. J'ai recommencé. Il dit, mais non. Je crois pas que ce soit pour toi. Il voulait pas que je le lise. Puis j'étais très obéissante alors ma foi, je l'ai pas lu. Mais à ce moment-là, j'étais jeune professeur au lycée Claude Monet, dans un lycée d'hommes où il n'y avait que des hommes élèves et professeurs. Et dès que je suis arrivée au réfectoire, c'était l'Histoire d'O. Mais je ne l'ai pas lu et c'était très irritant pour moi. Alors un jour où j'ai dit, mais prêtez-le moi. Et puis comme ça, je vous dirais ce que j'en pense. Alors on me l'a prêté et je l'ai lu deux fois dans la nuit. Ça m'a beaucoup plu, à cause de la lenteur, du fantasme, etc. Et le lendemain matin, au petit-déjeuner, je dis à mon beau-père, "devinez ce que j'ai fait cette nuit". Alors il m'a dit, je ne sais pas. Mais toi, on peut tout penser. Alors je lui ai dit "j'ai lu l'Histoire d'O". Vous devinez ce qu'il m'a dit ? "enfin !". Il s'est levé, il a été m'en chercher un, il me l'a donné. Il voulait pas me le donner lui-même. Il craignait mes réactions. Il était très content que j'aime bien ce livre. Il recevait une correspondance abondante qui me concernait, qu'il me transmettait. Enfin, abondante, assez importante, où on croyait que j'étais l'auteur d'Histoire d'O. Et je lui disais toujours, mais moi, je ne me cacherais pas si j'avais écrit ce livre. Je serais rayonnante de joie.

ITW : As-tu le souvenir d'avoir vu ne serait-ce qu'une fois Dominique Aury aux Arènes ?

JP : Très souvent.

ITW : Elle y venait.

JP : Elle ne se montrait pas trop parce qu'elle ne voulait pas gêner Germaine.

ITW : Dominique Aury ?

JP : Oui, oui. Elle ne voulait pas gêner Germaine. Mais elle venait. Elle restait en bas. Elle me parlait. Et puis, elle emmenait Jean en voiture, où ils devaient aller.

ITW : Alors, un autre épisode dans la vie de Jean Paulhan, c'est son élection à l'Académie Française en 1963.

JP : Oui. Ça a été très bizarre. Il ne savait pas s'il le voulaient ou pas. Il ne se sentait pas reconnu par le grand public et il n'est toujours pas reconnu, je crois, par le grand public, du moins en France, parce qu'à l'étranger, quand je prononce mon nom, ça fait des vagues. En France, pas du tout. C'est même surprenant ! Je crois que l'Académie, pour lui, c'était un moyen d'être reconnu et en effet, ça a été vrai. Ça a été un peu payant, si je puis dire. Mais ça l'a aussi fait mourir.

ITW : Pourquoi cela ?

JP : Parce qu'il s'est occupé du général Weygand et il a fait un discours et il a dit « né de père inconnu ». Et on lui a dit, s'il... il a reçu des menaces, des lettres de menaces, s'il prononçait ces mots, on le tuerait, je ne sais pas quoi. Des menaces en l'air, enfin des menaces quand même. Et il les a prononcées, évidemment, il n'avait pas froid aux yeux. Mais ça l'a beaucoup perturbé, parce que pour lui, c'était même un compliment de naître de père inconnu et d'arriver si haut. Il voulait dire qu'il avait franchi les étapes. Il n'était pas né avec une cuiller d'argent, comme on dit. Et ça l'a beaucoup troublé. Et puis il allait aux réunions de l'Académie. Il en revenait chaque fois très déçu. Il disait, "on ne s'est pas occupé du vocabulaire, on ne s'est pas occupé de la grammaire, on n'a fait que lire des discours". Mais ça l'ennuyait énormément.
Je l'ai conduit une fois à l'académie, parce que Dominique Aury n'était pas libre. J'avais une toute petite dauphine, borgne, à qui il manquait un phare, très petite, et quand il est entré dans la dauphine, le sabre s'est recourbé en angle droit. Il a dit, "fais quelque chose pour mon épée, elle va se tordre". Je ne sais pas comment on a dégagé l'épée de cette petite voiture. Mais c'était très difficile pour lui, dans tous ses capes, son bicorne, de rentrer dans la voiture. Et quand nous sommes arrivés, tous les autres académiciens arrivaient en DS noire, dans de magnifiques voitures, ça ne faisait pas bon effet ma petite dauphine bleue claire (rires).

ITW : Sa tenue, comment est-ce qu'elle avait été préparée ? et les accessoires ?

JP : Par Florence Gould. Elle était très belle. Elle lui allait très bien.

ITW : Il y avait une épée aussi.

JP : Alors, l'épée, maintenant, elle est à Nîmes. Le dessin en a été fait par Wogensky. Elle est à Nîmes. Elle a été donnée par la famille, à la ville de Nîmes, après le centenaire de la naissance de Jean Paulhan.

ITW : Il y avait une petite bête dessus ?

JP : Un crocodile. Qui est l'emblème de Nîmes. Mais je me demande si c'est une épée qui a été faite en or. Je me demande si elle est vraiment en or... Parce qu'elle a fait une grosse tâche au niveau de l'or sur l'écrin. L'or est inaltérable, enfin.

ITW : Vous avez senti un changement dans les relations de Jean Paulhan, après son élection, vous en parliez ?

JP : Lui, il n'avait pas changé.

ITW : Non, mais les autres. Le regard des autres.

JP : Il y avait des gens qui étaient jaloux. Il y avait des gens qui trouvaient qu'il avait renié sa parole, parce que pendant longtemps, il avait dit qu'il n'entrerait jamais à l'académie. Et puis il y en a qui étaient ravis pour lui, et puis d'autres qui étaient indifférents.

ITW : Je voudrais revenir sur un aspect de la personnalité de Jean Paulhan dont vous avez parlé tout à l'heure. C'est... son côté joueur. Il avait aussi une passion, je crois, pour les foires et les kermesses.

JP : Oui, pour les foires, les kermesses auxquelles il essayait de nous entraîner, mais moi, je n'avais jamais le temps d'y aller, mais on a eu beaucoup de mal à l'empêcher d'entrer dans un cyclotron. Je ne sais pas si vous savez ce que c'est qu'un cyclotron, c'est un cylindre creux, mais qui a 4 ou 5 mètres de diamètre, quand même, et qui a 2 ou 3 mètres de haut, et qui tourne. On s'installe en bas, et il tourne de plus en plus vite. Alors grâce à la force centrifuge, on est plaqué contre les parois, on peut monter le long de la paroi, on peut prendre n'importe quelle position, les pieds en l'air, les doigts dans le nez, mais ça tourne très, très vite. Et puis tout d'un coup, ça cesse de tourner, alors on retombe lourdement en bas. On ne voulait pas, à l'âge qu'il avait, le laisser entrer dans le cyclotron, parce que naturellement il avait des problèmes cardiaques, c'était dangereux, mais c'était très, très difficile de l'en empêcher !

ITW : Comment vous expliquez cette passion constante de Jean Paulhan, à la fois pour le jeu, et pour les fêtes foraines, pour les lunapark, pour les jeunes ?

JP : Je crois qu'il avait gardé un côté enfant. Les jouets l'intéressaient, et il achetait des jouets pour les enfants. On voyait bien que c'était pour lui, parce qu'il jouait un bon moment avec.

ITW : L' attrait de l'interdit, peut-être, parce que c'était tellement différent de l'éducation qu'il avait reçue.

JP : Non, il avait des jouets quand il était petit, il en avait beaucoup moins.

ITW : Non, des jouets, mais pas le jeu.

JP : Oui, je ne pense pas qu'on lui a interdit le jeu.

ITW : Vous êtes déjà allé dans une fête foraine avec lui et vos enfants?

JP : Je ne me rappelle plus.

ITW : A la Foire Saint-Germain, par exemple ?

JP : Je ne me rappelle plus.

ITW : On retrouve ça chez beaucoup de littérateurs des années 20, l'attrait pour les attractions foraines, pour ces choses-là.

JP : Oui, sans doute. Gide s'y intéressait aussi, je crois.

ITW : Et lui, il était joueur, en dehors de..., c'était un délassement ? en dehors de ses...

JP : C'était un délassement, on jouait au bridge aussi le soir, et moi, je n'avais jamais le temps. Je faisais des études, j'avais deux enfants, je vivais dans une pièce, et la vie était très très malcommode. Et je me m'arrangeais toujours pour être mort. Parce que quand j'étais mort, je pouvais aller ranger quelque chose pour faire de la vaisselle, ou je ne sais quoi. Et on me rappelait que ça y est, la partie est finie! Je ne jouais pas très bien. J'ai appris à jouer au bridge quand j'avais 7 ans avec mes parents, parce qu'il manquait quelqu'un pour faire le mort et on disait "Jacqueline fera le mort". Et à 7 ans, je jouais remarquablement pour une fillette de 7 ans. Mais je crois que je n'ai pas fait de progrès, je jouais toujours comme à 7 ans, c'est-à-dire, quand même pas très bien.

ITW : Tes enfants étaient petits quand Jean est mort, mais quels étaient leurs relations?

JP : Oh ils adoraient leur grand-père.

ITW : Et ça se passait bien de votre côté aussi, du côté grand-père?

JP : Ah oui, oui. Je crois que... les enfants mangeaient avant nous. Alors ils restaient dans la chambre qui jouxtait la salle à manger. Et Jean-Kely inventait des choses extraordinaires pour nous faire venir, parce qu'il se trouvait isolé, je crois, alors il se mettait le doigt de pied dans la serrure et il disait, "j'ai le pied pris ! j'ai le pied pris !". Alors on venait, c'était une gymnastique extraordinaire pour avoir le doigt de pied dans la serrure. Ou bien il faisait une autre sottise du même genre, il avait beaucoup d'imagination. Il remplissait le lavabo et puis il enlevait le siphon sous le lavabo. Et naturellement, nous on vidait le lavabo qui se vidait par terre, il était ravi absolument. Ou bien il passait la pommade sur le plancher pour le cirer. On n'arrivait plus à enlever cette pommade. Il avait beaucoup d'imagination et il était très drôle.

ITW : Et le grand-père était patient au milieu de tout ça ?

JP : Très patient ! Mais je crois même une fois que, quand ils sont venus à table et qu'ils ont été conscients de l'honneur qu'on leur faisait et qu'ils se tenaient plutôt bien pour des enfants, ils les trouvaient trop bien élevés. Je me rappelle qu'ils disaient à Jean, qu'ils demandaient, "est-ce que je pourrais avoir un yaourt s'il vous plaît ?" On ne demande pas comme ça un yaourt, Jean. On fait : "Du yaourt, du yaourt, du yaourt!" Alors naturellement Jean faisait ça, mais après il le faisait chez les autres aussi. C'était plus gênant...

ITW : Est-ce que vous aviez conscience de l'importance de votre beau-père dans le milieu littéraire ?

JP : Ah oui.

ITW : Et vous aviez des discussions d'ordre littéraire ? Il y a eu des polémiques, beaucoup de polémiques ?

JP : Beaucoup, on discutait beaucoup. À cœur ouvert, vraiment très facilement de tout ce que nous ressentions à la lecture, il me conseillait des livres et il me demandait mon avis tout le temps. Il écoutait et il réfutait ce que je disais. Il réfutait mes arguments ou il les gardait mais enfin on en parlait beaucoup et c'est là qu'il s'établissait des silences. Chacun réfléchissait à ses arguments avant de commencer la discussion. Des silences qui n'étaient pas du tout gênants.

ITW : Très bien. Parlez-nous des parties de campagne pour aller à Boissise, par exemple. C'était le dimanche en général ?

JP : Pour nous c'était le dimanche ou les jours où je n'avais pas cours et où Frédéric ne travaillait pas c'était le samedi et le dimanche. Mais Dominique Aury nous avait fait construire un petit appartement d'une grande chambre et d'une cuisine et d'une salle de bain. Vraiment très gentiment. On se retrouvait avec beaucoup de plaisir. Et on jouait aux boules et on jouait au croquet. Ah oui, j'ai oublié le croquet. J'ai oublié la grenouille aussi. On lançait des anneaux dans une grenouille qui avait la bouche ouverte. Et Jean Paulhan, naturellement, envoyait les anneaux dans la bouche de la grenouille. Nous, à côté. C'était normal.

ITW : Et qui faisait la cuisine ?

JP : Il y avait une femme de service qui était gardienne de la maison aussi en l'absence de Dominique et de Jean. Qui faisait la cuisine et puis Dominique faisait la cuisine également. Peut-être moi aussi, je ne m'en rappelle plus.

ITW : Ça nous amène tout naturellement à parler des vacances, est-ce que vous avez passé des vacances avec Jean Paulhan ?

JP : Jamais. On a passé des vacances par procuration, si je puis dire, à Port-Cros. Parce que Jean Paulhan voulait que nous allions à Port-Cros. Il a gardé à souvenir tellement illuminé de cette île de Port-Cros, dont il avait monté le... installé le fort pour en faire une station de vacances pour la NRF. Il était illuminé quand il parlait de Port-Cros.. Il a dit "Jacqueline, il faut aller à Port-Cros, avec les enfants, avec avec Frédéric, etc. et nous n'avions pas les moyens du tout d'aller à Port-Cros.. Il me dit, nous irons aux [Toi Tons], ce sera pas très cher... On ne pouvait pas tout simplement ! Alors je crois que ou il a payé de sa poche, ou il a demandé à madame Henri de nous recevoir gratuitement. Enfin, on a été hébergés et nourris gratuitement pendant un mois à Port-Cros. C'était très joli. On a marché sur ses traces. On a pu vivre ce dont il parlait, on a pu monter au fort, etc. Enfin, c'était très intéressant. Et je comprends qu'il aimait beaucoup cette île enchanteresse. Très jolie.

ITW : Est-ce que vous aviez l'impression que la famille comptait énormément pour lui ?

JP : Pour Jean Paulhan ? Ah oui ! La famille, c'était important. Et il a été très content de se rapprocher de son fils Pierre sur la fin de sa vie, ils étaient séparés. Enfin, ils étaient un peu fâchés. Et, ou c'est Dominique Aury ou c'est grâce à moi, j'en sais rien, mais enfin, il s'est rapproché de son fils Pierre et de sa belle fille Raymonde qui est très, très gentille et qui est toujours en vie.

ITW : Et ça se manifestait comment ? est-ce qu'il lui arrivait de vous donner des conseils pour la conduite de l'existence ?

JP : Ah oui.

ITW : Quel genre ?

JP : Oui, mais il était très utile. Il y a toujours des moments où on dérape un petit peu et il me ramenait dans le droit chemin.

ITW : C'était des conseils d'ordre pratique ?

JP : Non, d'ordre de réflexion.

ITW : Et pour l'éducation des petits-enfants de Jean-Kely et de Claire, non ?

JP : Non, je crois qu'il trouvait que je m'en sortais bien. Enfin, je faisais ce qu'il fallait. Moi, j'ai eu l'impression par la suite d'avoir été un peu sévère avec mes enfants. Et je leur ai dit, je leur ai dit que j'avais quand même été un petit peu sévère. "Oh mais pas du tout, nous sommes très fiers de l'éducation que tu nous a donnée". Que peut-on demander de mieux ?

ITW : Et quels étaient les autres artistes dans le domaine de l'art pictural ? Si vous le voulez bien, Fautrier, Mario Torral...

JP : Mario Torral était un de mes amis qui rencontrait Jean Paulhan, qui était un chilien. Voilà un tableau d'art Mario Torral est ici.

ITW : Ils venait rue des Arènes ?

JP : Ce Mario Torral aimait beaucoup Claire Paulhan, la petite fille. Il s'en occupait beaucoup. Il donnait des grandes feuilles de papier, des pinceaux et...