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couverture de la revue Le Spectateur

Langage diplomatique

Article paru dans Le Spectateur, n° 49, septembre 1913.


On lit dans The Nation, numéro du 28 décembre 1912, sous le titre « L'autonomie de l'Albanie » et la signature de H.-N. Brailsford :
[Au sujet de l'Albanie] « l'Italie et l'Autriche se sont trouvées dans la position qu'a très bien résumée le roi François 1er en disant de l'empereur Charles-Quint : « Mon frère Charles et moi nous sommes parfaitement « d'accord; nous voulons Milan tous les deux ». Les deux puissances voulaient l'Albanie, et il s'ensuit qu'aucune des deux ne peut l'avoir. »
Il y a dans la boutade de François 1er plus qu'un jeu de mots. L'équivoque sur le mot « accord » se retrouve dans bien des déclarations de chancelleries relatives à « la communauté des intérêts » de deux nations. L'équivoque est un des traits les plus caractéristiques de la langue diplomatique, où elle est susceptible de rendre des services très précieux par les ménagements qu'elle permet à l'égard des amours-propres nationaux, sans qu'en soient dupes les diplomates d'aucun des côtés. Elle a aussi un rôle moins honnête, surtout lorsque les parties sont de force très inégale : Toujours est-il qu'il y a là un phénomène curieusement paradoxal d'un système d'expression, dont encore une fois ceux qui en usent ne sont pas dupes, et dont l'influence ne laisse pas de balancer en une certaine mesure celle des forces les plus brutalement matérielles.

F. C.

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