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couverture de la revue Le Spectateur

La position des problèmes pédagogiques

Article paru dans Le Spectateur, n° 15, juillet 1910.


Paul GAULTIER. — La vraie Education. — Paris, Hachette, 3 fr. 50.

En pédagogie, comme dans les autres branches de l'activité qui ont derrière elles un long passé et spécialement un passé plutôt empirique que rationnel, une tendance justifiée en partie par les nécessités de la polémique risque de créer des malentendus et de constituer un obstacle au progrès. Lorsque des novateurs croient avoir reconnu la nocuité ou l'insuffisance des méthodes en cours, ils partent en guerre pour l'introduction de méthodes nouvelles ou tout au moins de procédés nouveaux, pour la réalisation, comme on dit, d'une idée nouvelle, et croient leur tâche terminée lorsqu'ils ont démontré, — parfois avec une justesse irréprochable, — que le système proposé par eux ne présente pas les inconvénients, — reconnus parfois d'un commun accord, — du système traditionnel. Ils négligent en général complètement d'examiner si cette « idée » pour laquelle ils combattent répond à elle seule à toutes les données du problème et s'il n'est pas nécessaire, pour ceux mêmes qui ne mettent pas en doute le bien fondé de leurs critiques, de conserver au moins de l'ancien état de choses l'infrastructure ou plutôt l'armature sur laquelle s'adapteront les éléments perfectionnés qu'ils préconisent. Cette tendance, avons-nous dit, est justifiée en partie par les nécessités de la polémique: dans les discussions les plus simples il importe pour ne pas eparpiller l'attention de ne la réclamer que sur les points litigieux, et à plus forte raison lorsque la question est portee devant « le tribunal de l'opinion publique » il n'est pas contraire à la loyauté de la controverse de la part d'un novateur d'insister exclusivement sur les inconvénients de l'état de choses traditionnel et sur les avantages de ses propositions. Déjà au point de vue polémique cette attitude n'est cependant pas sans danger: elle n'indispose pas seulement l'adversaire par l'absence de concessions, elle lui donne encore beau jeu pour démontrerla non-acceptabilité de la réforme, puisque celle-ci, lorsqu'on la présente comme devant sans le concours de ce qu'il y avait de bon dans l'ancien régime répondre intégralement aux exigences de la situation, ne peut en général que se montrer grossièrement insuffisante. Le « radical » fait ainsi le jeu du « réactionnaire » (1). Mais c'est surtout pour le praticien, pour l'organisateur qui s'y laisse prendre que cette tendance est dangereuse: il adopte avec ardeur le système nouveau, ferme les yeux sur les inconvénients tant que dure son enthousiasme, s'aperçoit enfin de son erreur et revient alors d'un bond aux anciens errements qui, consacrés par le temps, ont du moins donné les preuves de leur viabilité et conservent en outre le bénéfice de l'accoutumance. Là encore, et plus gravement que tout à l'heure, le « radical » a servi la cause du « réactionnaire ». Nous avons insisté, un peu longuement peut-être, sur les dangers de la tendance « radicaliste » dans le dessein de faire comprendre le très grand mérite que présente à nos yeux le livre de M. Paul Gaultier, où l'attitude contraire, que nous appellerons « progressiste », se manifeste avec une justesse et une abondance de détails dans l'application aux problèmes pédagogiques concrets qui nous semblent devoir recommander aux éducateurs etaux simples curieux de psychologie cetouvrage, accessible d'ailleurs à tous par sa forme exempte de termes techniques. Le nombre des problèmes particuliers traités dans ce livre enlevant la possibilité de montrer dans le détail l'intérêt des questions traitées, nous avons voulu indiquer avec précision ce qui le met à nos yeux hors de pair parmi les livres de ce genre (1).

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Plan de l'ouvrage. Education du corps et de la sensibilité. — Cette impartialité avisée de M. Paul Gaultier se manifeste dans le plan même de son ouvrage par le partage qu'il fait de son attention entre les soins qu'il convient d'apporter aux divers éléments de la personnalité. Il traite successivement de l'éducation du corps, de la sensibilité, de l'intelligence, du vouloir. Il a d'ailleurs soin de nous faire sentir tout le long du développement et de marquer dans sa conclusion que ces quatre éléments « doivent être cultivés ensemble. Nous n'avons traité séparément de leur formation, dit-il, que pour les commodités de l'étude. Il va sans dire que dans la réalité il ne saurait en aller ainsi sous peine d'une irrémédiable faillite : on les doit mener de front. — Cela est capital. Le but dernier de l'éducation doit être de former des êtres complets : des femmes et des hommes de cœur, robustes, intelligents et forts... » (p. 276). Exprimée ainsi, cette idée rencontrera peu d'opposition. L'expression en semblera même superflue, — à tort cependant, car la preuve qu'elle n'a pas encore pénétré la mentalité contemporaine, c'est le nombre des préjugés qu'il est nécessaire de combattre et qui n'existeraient pas si elle était l'objet d'une croyance non pas verbale mais réelle et agissante. Des gens fort bien intentionnés se sont indignés de ce qu'un orateur ait proclamé dans une cérémonie universitaire qu'il fallait avant tout former de beaux animaux: que la phrase ait quelque chose de choquant, nous l'accordons, mais ces critiques l'avaient-ils bien comprise, s'étaient-ils rendu compte qu'« avant tout » signifie « en premier lieu dans l'ordre de la réalisation » et non pas « dans l'ordre et la dignité de nos préoccupations », avaient-ils remarqué que c'est une loi générale de l'existence que les êtres supérieurs et, dans chaque être, les fonctions supérieures, aient pour condition sine qua non de leur parfait développement le développement préalable d'êtres inférieurs et de fonctions inférieures? M. Gaultier, tout philosophe qu'il soit, ne craindra donc pas de nous rappeler qu'un autre philosophe, Herbert Spencer, « va - jusqu'à soutenir que les nations maitresses sont les mieux nourries. Il fait honneur au rumsteck, et il y a du vrai dans ce paradoxe, de la grandeur britannique » (p. 14). Paradoxe encore, ou au moins paraissant tel à nous Français, que la remarque d'après laquelle des sports, destinés exclusivement en apparence à la récréation ou tout au plus au développement physique, sont « une précieuse école d'endurance, d'énergie, de coup d'œil, d'initiative et de sang-froid. C'est à eux, à n'en pas douter, que les Anglais doivent une partie des vertus qu'ils déploient dans l'action » (pp. 19, 20). Leçons de volonté, mais aussi, comme nous disons au Spectateur, leçons de logique de l'action puisque l'auteur ajoute que les habitudes de discipline inculquées par ces exercices le sont avec « d'autant plus de fruit qu'elles apparaissent alors comme des conditions de vie, au rebours des règlements artificiels à quoi nous contraint la surveillance nécessaire des pensionnats » (p. 20). C'est encore au préjugé d'après lequel nous croyons, consciemment ou non, que la satisfaction d'une des tendances de notre être n'est bienfaisante que pour cette tendance-là seulement, que s'attaque M. Gaultier, au cours du chapitre sur l'éducation de la sensibilité, lorsqu'il dénonce l'attitude dédaigneuse des « pédagogues férus d'intellectualisme » pour « l'art — que certains prennent encore pour un amusement sans conséquence ou une puérilité, à moins qu'ils ne le réduisent en chronologie » (p. 50). Il voit dans l'art l'élément ordonateur de la sensibilité, rappelle que « la beauté n'est pas le luxe », et voudrait que l'on confiât « à des artistes, comme c'était la coutume aux xviie et xviiie siècles, le soin de fournir des modèles de jouets (3)... Nous avons assez de jouets scientifiques pour en réclamer de tout uniment gracieux » (p. 51). A ce même point de vue de la sensibilité et à propos des questions respectivement soulevées par l'internat et éducation familiale, M. Gaultier n'avait pas seulement, avec sa coutumière impartialité, souscrit aux accusa- tions portées contre le premier de ces régimes par tant d'écrivains, mais encore montré les dangers que présentent pour la formation des facultés les plus délicates « une éducation trop tendre et douillette » comme aussi, — et la remarque vaut d'être méditée, — les inconvénients des « innombrables raffinements du bien-être que la civilisation moderne met à la disposition des parents et qui ne servent qu'à susciter des appétits aussi divers qu'exigeants » (p. 42). (4)

Education de l'intelligence. — Nous ne signalons que pour mémoire la dénonciation de cette illusion singulière qui fait croire que la capacité de l'esprit est indéfinie ou du moins s'étend à mesure que s'allonge la liste des matières enseignées,... ou en tout cas portées sur les programmes. Illusion encore, moins grossière peut-être, mais d'autant plus grave, est celle qui accorde à l'instruction (indépendamment des connaissances strictement nécessaires) une valeur propre alors qu' « elle n'est qu'un des moyens, à condition d'être bien administrée, de former l'esprit » (p. 91). On nous permettra de nous arrêter un peu plus longuement sur un point qui nous intéresse spécialement ici et où l'attitude de M. Paul Gaultier nous semble s'opposer de façon particulièrement heureuse aux tendances « radicalistes » que nous signalions plus haut. Il s'agit du problème relatif au caractère abstrait ou concret à donner à l'enseignement ou de celui — corrélatif - de la place à faire à la théorie et à la pratique. On sait combien ces problèmes sont en général mal posés et combien les vices de cette position révèlent une méconnaissance singulière du fonctionnement réel de l'intelligence. Plutôt qu'une analyse d'ordre général nous présenterons à ce sujet un exemple que nous croyons typique et que nous emprunterons à l'enseignement des langues vivantes. On sait en quoi consistait cet enseignement il y a quelques années. S'il s'agissait de l'allemand, les élèves apprenaient une copieuse grammaire (déclinaisons et conjugaisons avec listes complètes des mots formant exception, cas gouvernés par les propositions etc.), faisaient quelques thèmes sur des textes vieillis, et traduisaient des œuvres de Gœthe, Schiller et Lessing, dont la lecture en français leur eût déjà semblé insupportable : on sait aussi qu'après dix ans d'études ainsi poursuivies les premiers de chaque classe étaient incapables non seulement de soutenir une conversation mais d'écrire un billet ou de lire une revue moderne. C'est alors qu'arrivèrent d'Amérique les apôtres de la méthode directe: selon la formule Berlitz on doit apprendre une langue étrangère comme on apprend sa langue maternelle, à savoir uniquement par la pratique. Aussitôt on mit au rancart grammaires, recueils de thèmes, œuvres des classiques pour ne plus pratiquer que la méthode directe, c'est-à-dire la conversation. On fut tout étonné de voir que les résultats, quoi- que plus satisfaisants (et sans peine), ne donnaient pas encore ce qu'on attendait. On en chercha diverses raisons plus ou moins lointaines, mais on montra bien rarement le vice du raisonnement qui consistait à invoquer l'apprentissage de la langue maternelle comme modèle exact dans le cas d'une langue étrangère. D'abord on n'apprend pas la langue maternelle uniquement par la pratique: quiconque veut parler correctement, écrire de façon non pas même correcte mais intelligible et lire les textes dont il a besoin ne parvient à ces résultats que par un patient apprentissage. Mais déjà en ce qui concerne la conversation intelligible et seulement à peu près correcte on oublie que les occasions de parler la langue maternelle sont infiniment plus nombreuses que les occasions fournies par des leçons, si fréquentes qu'elles soient, et présentent par rapport à ces leçons de précieux avantages, : pression de la nécessité, variété des interlocuteurs, et surtout association psychique des expressions verbales avec des objets et des faits réels et non pas imaginés. L'infériorité numérique et qualitative de la seule pratique possible de la langue étrangère vis-à-vis de la pratique naturelle de la langue maternelle doit être compensée par quelque chose. Or ce quelque chose qui supplée à l'insuffisance d'un apprentissage pratique, qui le complète, se substitue à lui en cas de besoin et surtout en multiplie les virtualités, c'est ce que l'esprit vulgaire conçoit bien à tort comme opposé à la pratique, c'est la théorie. Ici ce sera un enseigne- ment grammatical, non pas encyclopédique et fonctionnant à vide comme autrefois, mais se présentant sous deux aspects: d'abord un aspect préliminaire consistant à établir presque dès le début des études un cadre très net et très simple où viendront se loger naturellement les connaissances ultérieures, puis un aspect occasionnel consistant à saisir au vol, dès que la pratique semblera suffisante pour rendre la chose compréhensible, les « occasions » de tenter quelque généralisation, non pas peut-être douée de caractère scientifique, mais suffisante au point de vue pédagogique. On comprend comment ce va-et-vient continuel entre la théorie et la pratique, cette compénétration perpé- tuelle de l'une et de l'autre atteint le double but 1° de transformer en connaissance réelle, applicable, la connaissance, autrement toute verbale, des énoncés généraux, 2° de réaliser une économie considérable d'essais et d'exercices pratiques grâce au pouvoir ordonnateur et explicatif de ces mêmes énoncés. Ce qui est vrai d'une discipline à tout prendre formelle et un peu superficielle, comme l'est l'acquisition d'une langue, l'est encore bien davantage des sciences plus profondes ou plus délicates, telles que les mathémati- ques, les sciences physiques et naturelles, l'histoire ou la géographie. A cette collaboration de l'abstrait et du concret, — ce n'est pas seulement la connaissance qui gagnerait d'après ce « principe supérieur de l'instruction » qu'Herbart dit avoir posé « le jour où il a reconnu dans l'intuition (5) le principe absolu de toute connaissance » (6) — ce n' est pas seulement l'activité par le secours qu'elle recevrait de données théoriques, non plus distantes et vaines, mais secourables et réalisables, — c'est, on peut le dire, notre conception du monde et de la vie. Rassemblons nos souvenirs de collège et demandons-nous si nous croyions vraiment, je ne dis pas si nous savions abstraitement, que la géométrie de notre traité était la même que celle des architectes et des arpenteurs, que la physique et la chimie de nos manuels s'appliquaient dans notre cuisine ou dans l'usine d'à côté, ou surtout que la sagacité réclamée de nous pour déchiffrer notre Virgile était, aux difficultés grammaticales près, la même que celle dont le développement plus ou moins grand chez l'enfant qui reçoit les explications de ses parents dans la vie courante ou le subordonné qui prend les ordres de son supérieur les fait passer pour plus ou moins intelligents. La science et la culture ne seraient plus alors des mandarinats excitant une admiration béate ou un mépris ignorant, elles constitueraient un patrimoine commun à tous mais que quelques-uns, spécialement capables, se partageraient la tâche de faire fructifier. L'école ne serait plus une préparation lointaine et d'ailleurs douteuse de la vie, elle en serait l'apprentissage et le naturel entraînement. M. Paul Gaultier, pour couper court a tout reproche de réverie, emprunte avec raison l'exposé des moyens pratiques qui amèneraient la réalisation de cet idéal à des spécialistes, tels que le mathématicien Laisant, le naturaliste Dastre, le géographe Mairey (7). Leurs témoignages le , conduisent à conclure que « mettre sans préparation un jeune cerveau au régime des abstractions, c'est lui enlever radicalement tout moyen de comprendre. Une idée générale ne vaut que par les expériences qu'elle résume. Supprimez-les, l'idée s'évanouit ; il ne reste qu'un son, flatus vocis » (p. 125.) Cette nécessité d'un contenu concret ne saurait faire négliger l'importance de l'armature abstraite nécessaire pour lui donner sa consistance qu'à ceux-là seulement qui ne verraient pas qu'un enseignement de faits détachés est un pur néant. (8) Aussi ne convient-il pas d'insister sur cette importance en ce qui regarde les sciences particulières. Mais il importe de viser à une généralité plus haute et de signaler la nécessité de former le jugement et le raisonnement en vue des applications indéfinies et imprévisibles qui se présenteront au cours de la vie. Retenons surtout ce que dit M. P. Gaultier du double enseignement, — théorique et pratique, — du raisonnement, puisque c'est en partie le but de cette revue de rassembler les matériaux d'un tel enseignement. La théorie sera donnée « par l'étude de la logique qu'il serait opportun de répandre dans les classes. Il y a, en effet, des règles, issues des lois de la pensée, qu'on ne peut enfreindre impunément et qu'il est bon de connaître pour ne les pas violer, afin de ne pas conclure, par exemple, du caractère d'un étranger à celui de sa nation ou de ce qu'il est faux que tous les hommes sont bons à ce qu'aucun ne l'est. Inutile pour cela d'exposer les formes du syllogisme en barbara et en baralipton. Les exemples concrets empruntés à la vie journalière ou à l'étude des sciences ne manquent pas » (p. 146.) Il importerait précisément d'assurer une collaboration effective entre le maître chargé de cet enseignement spécial et ceux qui président aux autres études. Quels services ne rendrait pas le professeur d'histoire qui « s'aviserait de révéler aux élèves ce que c'est qu'un document, comment on vérifie, comment on critique et comment on contrôle les témoignages »? (p. 148.) On aperçoit par exemple ici le rapprochement intéressant à faire avec ce qui se passe dans l'esprit de l'enfant lorsqu'il veut préciser les circonstances de quelque incident sportif ou d'un « fait divers » survenu dans le voisinage.

Education du vouloir. — Nous avons assez parlé des pages consacrées par M. P. Gaultier à l'intelligence pour laisser pressentir combien d'idées originales et justes, caractérisées par ce même équilibre entre la tradition parfois aveugle et la nouveauté parfois imprudente, il apporte au sujet de la volonté. Il s'agira, par exemple, de fixer la position exacte que doit occuper entre la « tracasserie » et la « faiblesse » la vraie « discipline », qui seule assure au vouloir l'énergie, la constance et la souplesse. Et, puisque nous nous occupons surtout ici de l'intelligence, on nous permettra d'y revenir par un détour. C'est en effet bien à tort qu'on oppose souvent l'éducation de l'intelligence (qu'on confond souvent avec l'instruction) et celle de la volonté : tout au contraire, telle que la comprend M. P. Gaultier (et que nous la comprenons nous-même), la formation de l'intelligence serait non pas sans doute l'élément le plus précieux mais l'instrument le plus aisément utilisable de l'éducation de la volonté. Sans pouvoir entrer ici dans le détail, il convient en effet de signaler qu'on oublie trop fréquemment qu'il y a des vertus intellectuelles, non pas seulement dans l'effort qui s'oppose à la paresse, mais, en un sens plus strictement intellectuel, dans le souci de la précision, dans la résistance aux apparences et aux préjugés, dans la probité intellectuelle sous toutes ses formes. Quiconque fait bon marché de la vérité telle que la raison la lui présente fera bon marché, le cas échéant, du devoir que lui prescrit sa conscience.

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On comprend que, malgré son étendue relative, ce compte rendu ne signale qu'une faible partie des instructives observations contenues dans le livre de M. P. Gaultier. Nous avons presque exclusivement introduit celles qui mettent à jour les préjugés psychologiques et « quasi logiques » que nous cherchons en général à analyser. C'est une critique de certains postulats pédagogiques, non pas une critique des méthodes pédagogiques, que nous avons voulu faire, en nous guidant sur notre auteur. Nous estimons en effet que les études proprement pédagogiques doivent être réservées à ceux qui, dans l'éducation ou l'enseignement, ont acquis une expérience pratique et minutieuse. C'est surtout pour les enfants que la psychologie ne s'improvise pas et ne se déduit pas. L'âme infantile ne diffère pas seulement quantitativement de l'âme adulte, comme on le croit ordinairement; elle en diffère qualitativement, en ce sens que des éléments, venus à la vérité du dehors, se sont greffés, se sont unis à notre croissance (verwachsen), de telle sorte que nous ne songeons pas et n'arriverions d'ailleurs que difficilement à les éliminer lorsque nous voulons conclure de notre psychologie propre à celle de l'enfant.

RENÉ MARTIN-GUELLIOT.


(1) Il est entendu que les mots « radical » et « réactionnaire », comme plus loin le mot « progressiste », sont pris dans leur sens abstrait sans la moindre allusion aux partis politiques qui se désignent ou qu'on désigne par ces termes. (2) Nous faisons abstraction ici des ouvrages proprement philo- sophiques, comme le livre si compréhensif de M. Dugas (Le Problème de l'Education, Alcan), ou des recherches expérimentales, comme celles de M. Binet (Les Idées nouvelles sur les Enfants, Flammarion), qui présentent en général la qualité dont nous parlons. L'originalité de M. P. Gaultier consiste à l'avoir introduite dans un livre destiné au grand public, amateur, comme on sait, des solutions nettes, pour ne pas dire « extrêmes ». (3) Saisissons cette occasion pour signaler la si intéressante et encore trop peu connue Société des Amateurs de jouets artistiques, présidée par M. Léo Claretie, 92, avenue Niel, Paris. R. M. G: (4) M. Gaultier cite à ce sujet un passage fort intéressant de M. Fernand Nicolay, Les Enfants mal élevés, Perrin. (p.264). (5) Intuition, Anschauung, Cf. Anschauungsunterricht, leçons de choses. R. M. G. (6) Cité par M. Gaultier, op. cit., p. 105. (7) Op. cit., pp. 107, 108, 126. (8) On lira, p. 169, la méthode pour « rendre la mémoire intelligente » et « la pénétrer de raison ».

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