
Documents et Variétés
paru dans Le Spectateur, tome sixième, n° 54, février 1914.
Nous rappelions, dans le dernier numéro, que cette rubrique était destinée à montrer que tout le monde fait, à l'occasion, ce qu'au Spectateur nous faisons régulièrement. Nous ajoutions que, par une nécessité matérielle évidente, il nous fallait prendre, comme représentants de « tout le monde », ceux-là seulement qui écrivent, quittes à remédier le mieux possible aux illusions de perspective qui résultent de là.
Or il est clair qu'on ne peut remédier à toutes, en particulier à celle-la que les hommes d'action et de pratique, bien que constituant à eux seuls la partie la plus importante de « tout le monde », ne reçoivent ici qu'une subdivision, contre trois ou quatre attribuées à des gens qui font plus spécialement métier d'écrire. Et encore, parmi ces représentants de la pratique, ne peut-on prendre que ceux qui sont par ailleurs quelque peu écrivains.
Il n'est pas nécessaire de justifier la place donnée aux savants. S'ils ne sont pas « tout le monde », du moins tous s'intéressent-ils aux résultats de leurs travaux, et quant à leurs méthodes, c'est un principe du Spectateur, qu'elles ne sont qu'un cas privilégié et un perfection- nement de celles de la pratique quotidienne et commune.
Pour les historiens, voyageurs, littérateurs, humoristes, et autres, on sait assez que chacun des individus constituant « tout le monde » considère ce qu'ils font comme s'adressant à lui. Le livre le plus subtil de littérature étonne moins sur la table d'un homme ou d'une femme du monde éloignés de toute spécialité, que ne le fait l'étude la plus élémentaire et la plus pratiquement conçue de quelqu'une des disciplines auxquelles on rattache communément le Spectateur.