
De la définition
Article paru dans Le Spectateur, tome premier, n° 16, août-septembre 1910.
Deuxième essai de logique réaliste
On a pu voir, par un essai qui a paru précédemment ici même (1), que, sous le nom de logique réaliste, ce qu'on a voulu esquisser, c'est la logique qui correspondrait à la métaphysique pragmatiste qui tend à s'ébaucher depuis quelques années et dont les grandes lignes se dessinent déjà avec assez de netteté. Cette nouvelle métaphysique a rencontré une opposition considérable et dont il y a lieu de tenir compte puisque les incertitudes qui règnent encore sur le vrai sens du pragmatisme lui sont dues en très grande partie. Du jour où la lumière s'est faite complètement pour un esprit curieux sur la véritable nature de la métaphysique pragmatiste, il est une chose qui n'est plus douteuse : c'est que, loin de renverser la métaphysique de l'idéalisme et de prétendre s'y substituer, le pragmatisme en adopteau contraire le point de vue, en reconnaît les résultats principaux et en poursuit, sur une voie parallèle et qu'il a ouverte le premier, l'accomplissement. Sans doute, l'intellectualisme est l'opposé du pragmatisme, et sans doute l'intellectualismea été, parmi d'autres, un résultat, un fruit, de la métaphysique idéaliste. Ce n'en a jamais été le ressort ni le principe ni même le résultat principal. Logiquement, il est vrai, mais par le fait d'une logique contingente pour ainsi dire et qui est de son histoire, qui tient à des accidents et ne lui est pas essentielle, l'idéalisme a abouti à l'impasse intellectualiste. On s'aperçoit qu'une théorie s'est engagée dans une impasse quand elle commence à tourner sur elle-même, quand elle se retourne contre elle-même, quand son principe est trahi ou nié par le développement qu'elle prend. Du moment que l'idéalisme, dont le principe est l'activité de l'esprit, en est arrivé là que l'esprit est représenté comme réceptif, comme le simple lieu de passage des idées et le spectateur de ses propres modifications, il est bien évident qu'il a atteint son époque climatérique, qu'il a épuisé ce qu'il y avait dans son principe et qu'il tourne à vide. L'intellectualisme est ainsi un idéalisme encore, mais ce n'est plus un idéalisme sain. C'est une maladie de l'idéalisme, une maladie de croissance, sans doute, ou, tout au moins, et si l'on peut dire, un idéalisme ruminant. S'il faut associerun nom à cette crise de . l'idéalisme, à ce moment solennel de son développement, c'est le nom de Berkeley qui s'offre tout naturellement. C'est de Berkeley ou plutôt des philosophes qui en le suivant ont tenu compte de son œuvre que date en somme le pragmatisme plus ou moins inconscient. On voit que s'il y a querelle entre le pragmatisme et l'intellectualisme, c'est une querelle de famille et qui ne sort pas des bornes de l'idéalisme. Le premier qui fut pragmatiste s'appela Emmanuel Kant. Kant s'aperçut en effet que la base de l'ancien idéalisme était trop étroite; il ne cessa pas de prendre l'esprit pour point de départ de sa philosophie, mais il prit garde de ne pas borner l'esprit à l'intellect, pars minima sui. Pour l'asseoir plus solidement, il l'élargit. Pour lui assurer son caractère actif, il y fit entrer l'action. Il fit faire ainsi à la philosophie un pas décisif et la poussa résolument vers le pragmatisme. Mais sa pensée n'épouse pas encore assez étroitement les contours de la réalité, ellé n'y mord pas encore et ne s'y engrène pas assez bien, elle reste par trop formelle, malgré les excellentes intentions qui l'animent. Pourobtenir ce résultat il faut qu'il y ait interpénétration de la pensée et du réel, et c'est ce qui n'a lieu que quand l'esprit est non seulement actif mais agissant, non seulement agent mais acteur et facteur, et non pas enfin dans la simple action de l'esprit mais dans son opération. Et c'est pour obtenir ce résultat que les pragmatistes ont été amenés à considérer la pensée comme une dépendance de l'action au lieu que Kant malgré le primat de la raison pratique considérait encore trop l'action comme une dépendance de la pensée. Le grand mot que la philosophie pragmatiste ne saurait se lasser d'épeler, c'est le mot « faire ». On a vu précédemment qu'aussitôt que l'esprit s'applique à l'opération et entre en travail, il est affronté par quelque chose; il rencontre une résistance que l'on a nommée cause oppositionnelle. On a vu aussi qu'une opposition de ce genre est antérieure au travail même de l'esprit. Au point que, sans elle, on ne se représenterait pas comment l'esprit serait ni ce qu'il serait. Or, le premier mouvement de l'esprit ainsi arrêté et provoqué est pour écarter l'obstacle, pour s'en rendre maître, et, à cette fin, pour s'en rendre compte, pour le définir. La définition, première spéculation de l'esprit spéculatif, de l'intellectus, est aussi la première opération de l'esprit actif, de l'esprit moteur après qu'il a été mû ou ému, la définition est sa première réaction à l'action d'une réalité mystérieuse qui va s'éclaircir à mesure qu'il la modifiera après en avoir été modifié. L'intellectualiste a défini une chose quand il l'a décom- posée en ses éléments et qu'il a recomposé ensuite avec ces éléments l'ensemble. En termes plus ambitieux, sa définition est une analyse suivie d'une synthèse. L'usage du mot de synthèse est ici un peu abusif, et l'on fera
bien, comprenant à la manière de Condillac ce genre-là de synthèse dans l'analyse dont elle est inséparable, de dire que la définition, au sens intellectualiste, est éminemment analytique. Si nous ajoutons qu'elle est statique nous ne ferons que tirer la conséquence nécessaire de son premier et grand caractère qui est d'être analytique, et nous en aurons dit à peu près tout ce qu'on en peut dire. En effet, la définition, pour l'intellectualiste, ne saurait être plus riche que n'est le monde de l'intellectualisme, et ce monde est passablement appauvri et diminué. C'est à peine un monde; du moins, s'il n'est pas incohérent, il est discontinu, toute son unité étant dans le temps, vide et abstrait. Si l'on ne veut pas que les phénomènes soient enfilés sur le câble résistant de l'esprit agissant ou plutôt de l'action spirituelle, lié d'autre part à l'action universelle dont il est pénétré et dont il subsiste, on aura beau observer des lois de la succession des phénomènes, on n'empêchera pas ces phénomènes de rester isolés, si nombreux que soit le groupe de ceux que l'on confine dans un commun isolement; on ne réussira pas à les unir à l'esprit, quelque effort que l'on fasse pour les en rapprocher. Une chose étant, pour l'intellectualiste, un ensemble de phénomènes groupés selon certaines lois, la définition qu'il en donnera consistera naturellement, logiquement dans l'analyse de ces phénomènes d'après les lois qui ont présidé à leur groupement.
Le pragmatisme, de son côté, n'ignore pas les phénomènes, et son langage peut se confondre quelque temps avec celui de l'intellectualisme parce qu'ils ont leur base commune dans l'idéalisme phénoméniste. Mais le pragmatisme ne s'en tient pas au phénoménisme. Son originalité, sa raison d'être, son but est précisément de le dépasser, et il est, si l'on veut, un métaphénoménisme. Tout phénomène, qu'il soit externe ou interne, (et à supposer que pareille distinction soit fondée), physique ou mental, a ce grand caractère qu'il se propose et s'impose de lui-même, qu'il est indépendant de nous et que nous le subissons. Or, parmi tous ces phénomènes subis, il en est un que le pragmatiste distingue pour l'élever à une place éminente. C'est le phénomène de l'action qu'il sépare ainsi des autres parce qu'il lui reconnait un double aspect, parce que le phénomène actif, outre qu'il est subi, en tant que phénomène, est encore voulu. C'est ce double et paradoxal caractère d'être à la fois subie et voulue, à la fois phénomène et autre chose, qui fait de l'action 1° le seul lien imaginable de tous les phénomènes entre eux, 2° le lien entre le monde phénoménal et celui de la conscience, ou plus simplement l'agent des choses sur nous et notre agent sur les choses, ce qui permet au dehors d'agir sur nous et ce qui nous permet de réagir sur le dehors, ce qui donne barre sur nous aux choses et ce qui nous donne barre sur les choses. Ou bien encore c'est par ce double et paradoxal caractère que l'action devient le fondement commun et de la cause oppositionnelle et de la cause intentionnelle (2). Que va devenir, de ce point de vue pragmatiste, la définition? Quelle sera la théorie du pragmatisme sur cet important chapitre de la logique? Que sera la définition en logique réaliste? Ce ne sera certainement pas une simple analyse des phénomènes. Le pur intellectualiste, à supposer que pareil être existe quelque part, pouvait se contenter d' une définition analytique. Dépourvu de tout besoin, étranger à tout intérêt, ce dieu d'Epicure est comparable au monsieur qui s'ennuie et que l'on voit, à la terrasse des cafés, lire, comme on dit, la quatrième page de son journal ou déchiffrer, par exemple, l'Indicateur des chemins de fer. Le pragmatiste, l'homme normal, consulte la quatrième page du journal quand il est à la recherche d'une annonce et consulte l'Indicateur des chemins de fer quand il lui faut prendre le train. C'est-à-dire que ses démarches sont toujours inspirées et dictées par quelque besoin ou quelque intérêt et provoquées, en somme, par quelque cause oppositionnelle. Autant dire que toutes ses démarches sont intentionnelles, qu'il n'entreprend rien qu'il n'ait en vue quelque fin et que sa pensée, comme ses autres actes, a toujours un caractère finaliste. Il en va de même du principe de toutes ses pensées, de ses définitions. En logique réaliste, le terme « définition » reprend toute sa force et sa valeur étymologique; la définition pragmatiste, se distinguant par là de la définition analytique propre à l'intellectualisme, a pour caractère essentiel d'être finaliste. Ce premier trait de la définition, dans son acception pragmatiste, étant fixé, pour découvrir les autres qui le complètent, et pour en saisir tout d'abord l'entière signification, il faut revenir sur le véritable sens de la définition telle que l'entend l'intellectualisme. Pour qu'elle eût ce caractère analytique que nous lui trouvions tantôt, dans l'intellectualisme, la définition ne devait se donner que d'un phénomène isolé, abstrait d'une façon plus ou moins habile ou justifiée et légitime, violente ou arbitraire, d'un ensemble cohérent. Cette abstraction constitue, au point de vue réaliste, un vice; on ne voit pas bien comment des idées que nous nous formerions selon ce procédé pourraient congruer avec la réalité et correspondre aux faits au point d'en fournir les équivalents et d'en tenir lieu dans cette sorte d'algèbre que devient alors la pensée. On sait, depuis les magistrales études de M. Bergson sur lidee de temps, comment s'obtient cette abstraction : c'est en considérant le temps comme le théâtre désert de la succession cinématographique d'états stationnaires en grand nombre. De sorte qu' en dernière analyse, la définition analytique, reposant sur la conception statique, symbolique et spatiale dela durée, s'écroule quand cette base lui est retirée. D'autre part, l'énumération, aussi complète qu'on puisse l'imaginer, des parties et des qualités d'une chose ne saurait plus donner la définition de cette chose du moment qu'on cesse de la considérer en elle-même et en ce qu'elle a d'intrinsèque pour en explorer les frontières, les rapports à ce qui la précède, à ce qui la suit, à ce qui l'encadre et à nous- même surtout qu'elle intéresse. Et voici qu'apparaissent aussitôt les autres caractères par quoi la définition réaliste se distingue de la définition intellectualiste. Ne se plaçant pas devant un fait, mais assistant à un proces, à une procession très significative de faits qui séparément et isolés seraient insignifiants, le pragmatiste ne prétendra pas définir un état de fait; il s'efforcera de saisir un développement depuis sa genèse jusqu'à sa fin. Et comme, d'autre part, il n'assiste pas à une procession de faits quelconque ou simplement curieuse, mais intéressante dans toute la force de ce terme et qui le concerne et qui le regarde et qui l'affecte, il tiendra surtout à se rendre compte des effets qui pourront en résulter pour lui, de ce qu'il pourra lui en arriver d'agréable ou de désagréable, d'heureux ou de néfaste, de favorable ou de contraire, et déjà, dans cette définition qu'il se donne, il esquisse l'attitude qu'il va prendre sans tarder en face de ce problème qu'est devenu pour lui la procession des phénomènes. Ce n'est donc pas tant le présent qu'il essaiera de constater; c'est surtout sur l'avenir immédiat qu'il s'appliquera à anticiper, en tenant pour cela grand compte du passé qui seul peut l'en instruire. Sa définition négligera donc plutôt l'aspect sous lequel se présente le phénomène pour embrasser la courbe qui, en traversant l'état présent et lapparence passagere, relie le passé à l'avenir.
Si étrange que puisse et doive paraître la conception pragmatiste de la définition quand on la formule ainsi théoriquement, remarquons que les définitions que nous donnons journellement, sans prétention scientitique, d'un objet familier, par exemple, à un enfant, sont conçues sur le modèle et le schéma théorique que l'on vient de tracer. Presque toujours nos définitions usuelles répondent aux questions : « A quoi cela sert-il? » ou: « De quoi tire-t-on cet objet? de quoi est-il fait? d'ou provient-il? », c'est-à-dire à des questions touchant l'usage ou l'origine. Voici la définition que l'on trouve dans le petit dictionnaire Larousse de l'épingle : « Petite pointe de fil de laiton, cuivre, acier, or, etc. pour attacher. » Il n'y a dans ces quelques mots de purement descriptif que ceux de « petite pointe » ; à peine y trouvera-t-on une analyse ; l'auteur n'a même pas cru nécessaire de distinguer la tête de l'épingle et sa pointe ou de montrer la différence entre l'épingle droite, l'épingle de nourrice et l'épingle double et recourbée. Il a à bon droit pensé dire l'essentiel en indiquant l'origine, la matière dont on fait une epingle et surtout à quoi elle sert. Et tout ce qu'il aurait pu ajouter de description analytique en énumérantles parties et les qualités de l'épingle, il serait aisé de taire voir qu'en cela encore sa délinition aurait éte pragmatiste : il nous arrive en effet de détinir par ces moyens-là, quand les autres ne suffisent pas; mais si nous n'assignons plus alors un but à la chose, c'est notre but que nous poursuivons et c'est par notre intérêt que nous sommes guides, ayant besoin de
signes et de marques distinctives qui nous permettront de reconnaître ce qui nous intéresse à un moment donné parmi d'autres choses qui ne nous intéressent pas pour ce moment-là et de le signaler à notre attention. On dira peut-être que pareilles définitions ne se peu- vent donner que des choses artificielles et que l'on essaie- rait en vain de procéder de cette manière à la définition des objets naturels. Il serait peu philosophique, dira- t-on, et peu digne d'un esprit scientifique de borner la définition de l'eau, par exemple, à ceci qu'elle sert à nous désaltérer. Mais avant d'être H2O l'eau a longtemps été et après qu'elle est devenue H2O l'eau n'a pas cessé d'être, même pour le chimiste qui l'analyse, ce que l'on puise à la fontaine ou à la source, ce que l'on fait passer de la carafe dans le verre et ce qu'on boit quand on a. soif. L'eau est H2O dans le laboratoire; mais dans la salle à manger elle est ce qu'on boit, ce qu'on mêle au vin; ailleurs elle est ce qui sert à faire la soupe, à rincer les verres et à laver la vaisselle. Du point de vue pragmatiste ou réaliste, en effet, tout se passe comme s'il n'y avait que des choses artificielles, ou en d'autres termes, tout se passe comme s'il n'y avait qu'un passé et un avenir également intéressants pour l'homme, comme si toutes choses, parleurs origines et leur fin, nous concernaient personnellement. C'est pourquoi peut-être la métaphysique établie sur le plan pragmatiste préférera quelque théorie de la Création à toute théorie de pure Evolution désintéressée. Le point de vue de l'action et de la vie n'est peut-être pas celui de l'esthétique; il ne saurait être celui de la science. De ce point de vue, on ne discerne rien qui se soit fait ou qui soit devenu ou qui soit né; tout apparaît fait par quelqu'un en vue de quelque fin et pour satisfaire quelque besoin. Il n'apparaît pas d'ensemble permanent et clos et que l'on ne puisse retoucher, tout reste ouvert par un côté et tourné vers l'homme. Rien n'est fini, rien n'est fin en soi, tout est outil, instrument, utilisable.
Il est bien évident, après cela, que la définition pragmatiste a un caractère hypothétique. Abstraction faite des objets artificiels et familiers, dont il est bien rare d'ailleurs que l'on demande une définition, puisqu'ils la portent, pour ainsi dire, et l'affichent et la proclament d'eux-mêmes, on peut dire que toute définition est ou a été quelque jour l'hypothèse par excellence. La première définition que nous donnerons de quelque chose sera une première hypothèse que nous ferons non pas certes sur son essence, mais sur son origine et sa fin, non pas pour satisfaire notre seule intelligence, mais pour satisfaire à quelque besoin urgent. Si cette première tentative est malheureuse et aboutit à une erreur ridicule ou fatale, nul ne s'en étonnera; mais on en sera aussitôt averti (s'il n'y avait là qu'une démarche de l'intelligence, comment serait-on jamais averti de l'erreur?) : on aura pris une attitude, en vertu de la définition donnée, on se sera préparé à un événement qui se présentera tout autre qu'on ne l'avait attendu. Et à la déception, à l'attente trompée, au choc brutal peut-être de l'imprévu, on reconnaîtra son erreur et l'on apprendra aussi à la corriger. Il en résultera une seconde définition, une seconde hypothèse dans laquelle grand compte sera tenu — et pour cause! - des nouveaux éléments de connaissance que l'expérience, corrigeant et châtiant notre erreur, vient de nous fournir. Dans ce jeu il y va parfois de la vie, souvent de grands intérêts, mais il y va assurément de quelque intérêt toujours. Il est dangereux, on le comparera à celui d'Œdipe et du Sphinx, à celui du dompteur et de la bête sauvage, à celui, tout simplement, de l'Homme et de la Nature; il est dangerenx, et ce n'est pas de gaîté de cœur qu'on joue. C'est la carte forcée. Ce jeu se poursuivra tant et si bien que l'on par-
vienne à quelque working hypothesis, à une définition satisfaisante parce que rassurante et implicitement acceptée de tous, sans contestation, parce qu'elle clôt non pas de vains débats académiques mais une ère d'indécision poignante, de douloureuse incertitude et d'insécurité générale. La définition intellectualiste a le droit d'être verbale; elle ne peut être que verbeuse ou éloquente, maladroite ou ingénieuse, et elle est toujours explicite, artificielle et elle vient après coup. La définition réaliste n'est pas dans notre éloquence mais dans notre mutisme; n'allez pas la chercher dans nos paroles; lisez-la dans nos actes.
Mais, si elle n'est pas exprimée, si elle ne résonne pas à nos oreilles, la définition réaliste n'en est que mieux obéie et suivie ; si elle ne règne pas sur nos discours, elle n'en gouverne que plus efficacement notre vie; elle est, aussi, lourde et humide de la poésie la plus élémentaire et la plus vraie; elle est lourde et humide de toutes les sueurs d'Adam.
JEAN FLORENCE.
(1) Voir Le Spectateur, 1, n° 8, p. 325 : De la cause oppositionnelle, essai de logique réaliste.
(2) Une excellente occasion s'offre ici de montrer la différence qu'il y a entre l'intellectualisme et le pragmatisme. L'intellectualisme - quand il fait cette concession - admet que nos idées sont valables quand elles ont résisté à l'épreuve et reçu la sanction de l'expérience. Le pragmatisme n'admet d'idée valable que celle qui a reçu l'impulsion de l'expérience, qui en a été fécondée. Les autres sont comme qui dirait des œufs sans germe.