
A propos du livre de M. Ch. Bally sur le langage et la vie
Article paru dans Le Spectateur, n° 52, décembre 1913.
CH. BALLY : Le Langage et la Vie. Genève, Atar; Paris, Fischbacher. 1913.
Ce petit livre présente avec plus de développement les idées qui ont fait le sujet de conférences prononcées à Genève et à la Sorbonne, dont il a été déjà question dans le Spectateur (n° 43, p. 95). L'auteur se propose d'étudier l'influence qu'a sur le langage, non pas sur la fonction générale du langage, mais sur les moyens d'expression d'une langue, sur les mots et les tournures du français, par exemple, le fait que le langage est un phénomène de la vie réelle, individuelle et sociale. Il attache la plus grande importance à cette remarque corrélative que les éléments affectifs ont à ce point de vue un rôle proportionné au rôle prépondérant qu'ils ont dans la vie réelle. Ce n'est pas, disons-nous, de la fonction générale de langage qu'il s'occupe, mais du système expressif que constitue une langue déterminée, la nôtre par exemple. Certains critiques, qui avaient bien vu ce dessein, lui ont alors reproché de nous avoir donné une sorte de dissertation, illustrée à vrai dire par de nombreux exemples, plutôt qu'une classification détaillée des moyens d'expression du français. Ce reproche est très intéressant et aurait sans doute donné à M. Bally l'idée de se livrer au travail indiqué... si précisément il ne l'avait déjà fait dans son précieux Traité de Stylistique française en deux volumes (Klincksieck) modestement présenté comme un manuel à l'usage des étrangers, mais qui est en réalité un guide unique pour qui veut réellement pénétrer ce qu'est une langue, le français d'aujourd'hui, à l'abri des préjugés que la grammaire dogmatique et l'enseignement trop intellectualiste opposent à l'observation des faits qui devraient être les plus clairs, à l'abri aussi de l'influence exagérée (1) du point de vue si utile qu'est celui de l'histoire de la langue.
A notre avis, il convient de ne pas séparer les deux livres : le Traité qui renferme un très riche matériel d'observations et une classification qui a en elle- même la valeur d'un systéme, le présent opuscule qui présente à la fois un résumé de vulgarisation, un essai de justification philosophique, enfin un prolongement de la methode jusqu'à des problèmes dépassant l'étude des morens d'expression actuels, à savoir les rapports du langage avec les idées de progrès, d'évolution sociale, etc. Quoiqu'il en soit, le Traité doit être considéré comme le garant positif des généralisations tentées dans l'opuscule. M. Bally a en vue, avons-nous dit, les langues, une en particulier, plutôt que le langage (l'opposition des deux termes n'est pas de lui) : c'est ce qui le distingue de ceux qui étudient la psychologie et la pathologie de la fonction psychologique du langage. Mais il tient a marquer surtout avec précision en quoi l'étude qu'il institue se sépare des façons dont on a en fait étudié les langues: celle des anciens grammairiens, qui n'est d'ailleurs nullement disparue, et celle des grammairiens et linguistes historiens. Les anciens grammairiens cherchaient, et leur successeurs cherchent encore, à satisfaire à des préoccupations légitimes, celles de donner des règles (c'est le mot qui caractérise leur point de vue) pour la correction du langage et l'art d'écrire. Ces préoccupations ne sont pas essentiellement inconciliables avec la vérité de l'observation directe des faits de la langue. Mais il s'est trouvé, et il se trouve encore, qu'en réalité il est presque impossible de ne pas être entrainé par elles à des erreurs de fait, par exemple sur le plus ou moins de différence entre la langue écrite et la langue parlée (2), sur les actions réciproques de l'une et de l'autre, de la langue littéraire et de la langue commune, de l'orthographe et de la prononciation, sur la façon dont se produisent les innovations linguistiques (néologismes et solécismes) et sur la possibilité de s'y opposer : toutes questions de fait encore une fois, et non pas de goût ou d'idéal, comme le serait celle qui concernerait par exemple non plus cette possibilité de s'opposer aux innovations linguistiques, mais la valeur esthétique de la « pureté » de la langue. Il est bien certain qu'il faut reconnaitre aux grammairiens didactiques le droit de déterminer ce qui doit se dire et s'écrire ; mais leurs élèves, c'est-à-dire presque tous les Français, et surtout les Francais lettrés, dont la collaboration serait particulièrement utile en matière d'étude du langage expressif, en tirent une conception absolument erronée de ce qu'eux-mêmes disent et écrivent et de la façon dont cela s'organise dans leur pensée. En ce qui concerne ses rapports avec les linguistes historiens, « M. Bally montre bien, dit M. A. Meillet dans le Bulletin de la Société de Linguistique (no 61), la nécessité d'étudier les faits linguistiques à l'état statisque et de ne pas se borner à l'étude de l'histoire des langues qui a dominé toute la linguistique au XIXe siècle. » Mais sans doute va-t-il trop loin en souhaitant chez son disciple idéal l'ignorance de l'histoire de la langue. Cette histoire seule peut sans doute donner, par l'observation des actions de grande amplitude, la finesse nécessaire pour apercevoir à l'état naissant les faits linguistiques marquant cette dépendance du langage à l'égard de la vie (3), qui est précisément l'objet propre des préoccupations de M. Bally. Un savant auquel ceux mêmes qui ne sont pas linguistes doivent d'avoir aujour- d'hui sur les choses de la langue des idées tellement plus exactes que celles qui avaient universellement cours il y a encore bien peu de temps, à savoir M. Meillet, qui personnellement est parvenu a ces idées par l'étude historique des langues, insiste avec raison sur ce point dans le compte rendu déjà cité (ibid., p. elxxj). En tout cas M. Bally sépare avec raison très nettement du point de vue de correction et de celui de modification au cours du temps son point de vue propre, celui de l'ex- pression, c'est-à-dire du rapport des termes employés, de leurs combinaisons syntaxiques, de leur prononcia- tion même, avec l'état de conscience qu'il s'agit de tra- duire, ou mieux, il faut bien répéter le seul mot exact, d'exprimer.
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Le langage comme instrument d'action
Considérer la langue comme un moyen d'expression, c'est la considérer comme un instrument. Et elle est bien en effet un instrument pour les individus qui la parlent. Instrument de quoi ? Instrument d'action sur nos semblables, et, plus spécialement, instrument de persuasion. Persuasion proprement dite, s'il s'agit de les amener a partager nos idées et plus encore s'il s'agit de les faire y conformer leurs actes. Persuasion aussi bien qu'en un sens un peu plus faible, s'il s'agit, par un récit, d'obtenir qu'ils aient une vision aussi immédiate que possible des faits qui constituent l'objet de ce récit. Tout cela fait de la moindre conversation une sorte de lutte. M. Bally emploie cette expression et la justifie par la considération que la langue reproduit tous les caractères de la vie sociale, et que l'un de ces caractères consiste en ce que « l'instinct social se manifeste surtout sous forme de lutte ». C'est très vrai; mais l'observation directe de la conversation conduit au même résultat. Il y a lutte continuelle pour triompher de l'obstacle que les tendances et les désirs intimes de l'interlocuteur opposent aux nôtres, et c'est la proprement la lutte à caractère social. Il y a lutte aussi contre l'imperméabilité des esprits, leur difficulté à donner le même relief à une impression racontée qu'à une impression véritablement éprouvée. Il y a lutte enfin contre l'inattention, le besoin qu'a l'individu pour arrêter son esprit sur de simples paroles (4) d'être vivement sollicité, d'être intéressé, dans l'un ou l'autre sens du mot.
On verrait, en observant à ce point de vue une langue, qu'à chacune de ces formes de lutte, à chacune de ces difficultés, dont une étude plus détaillée multiplierait sans doute le nombre, il correspond un groupe de faits par où se marque la différence entre ce qu'est réellement cette langue et ce qu'elle serait si on devait la considérer comme l'expression d'une pensée abstraite, impersonnelle, et comme on dit, purement logique.
Nous ne pourons développer ces considérations. Mais on comprend, par exemple, que le désir de ne pas brusquer un adversaire amène à commencer une négation absolue en son fond par une formule de concession. De même le besoin d'agir fortement soit sur la sensibilité, soit sur l'imagination de l'interlocuteur. amène à ces exagérations dont la langue est pleine. (« Ce tableau, merveilleux, n'est-ce pas? Et dire que je l'ai eu pour une bouchée de pain. ») La nécessité de parer à l'action niveleuse de l'accoutumance vis-à-vis de l'attention amène à employer une expression inexacte ou néologique au lieu de l'expression regardée comme correcte. Enfin, ce n'est pas seulement en raison de l'effet à produire sur l'interlocuteur, considération qui exige une réflexion, si immédiate qu'elle soit, que la langue s'écarte ainsi du schématisme abstrait, c'est sous l'action, absolument directe celle-là, des sentiments personnels de celui qui parle, de sa pensée vécue, donc rapide, non articulée logiquement, procédant en quelque sorte par vagues se renversant ou se transformant aus- sitôt nées. M. Bally donne un exemple curieux, et qui pourra tenir lieu de tous ceux dont il aurait fallu illustrer les remarques qui précèdent, pour montrer l'abime qu'il y a entre la langue de la vie réelle et celle de l'analyse d'idées : « Rappelez-vous, dit-il (p. 29), dans le Gendre de M. Poirier, la scène où Gaston feint de prendre au sérieux les ambitions de son beau-père, jusqu'au moment où il ne peut plus cacher son mépris.
GASTON. — Vous serez comte !
PoIRIER. - Non, il faut être raisonnable; baron, seulement!
GASTON. - Le baron Poirier! - Cela sonne bien à l'oreille.
POIRIER. — Oui, le baron Poirier!
GASTON (il le regarde et part d'un éclat de rire). — Je vous demande pardon, mais là, vrai, c'est trop drôle. Baron! monsieur Poirier.
Tout est affectif, dans cette expression de gaieté ironique, mots et syntaxe; imaginez le même personnage éclatant de rire et disant, comme le réclame le langage de la logique: « Je trouve tout à fait comique l'idée que vous, qui vous vous appelez Monsieur Poirier, puissiez porter le titre de baron. » C'est comme si un corps vivant se changeait soudain en squelette rigide.»
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Le langage et la logique
Le langage et la logique Il faut évidemment bien comprendre le mot « logique », là où M. Bally l'oppose à l'idée qu'on pourrait exprimer par « vital ». On ne prétend pas exclure, de ce langage expression de la vie, deux caractères assez voisins du caractère ainsi appelé; à savoir la part d'intelligence, et celle de conformité au but (Zweckmüssigkeit, dans le sens où on dit d'un acte conforme à son but qu'il est logique). Nous avons vu que si la langue employait ces formes « non logiques », c'était précisément pour satisfaire aux conditions d'ordre irrationnel qui se posent à l'expression de la pensée. Il y a là effort d'adaptation, d'organisation, donc tâche intellectuelle (5). « Cette intelligence est moyen, dit M. Bally, et non pas, comme on l'a cru, fin en soi. » Le travail d'analyse et de mise en ordre qu'exige le besoin d'être compris est un travail intellectuel, mais c'est le fait d'une intelligence qui cherche, non à se satisfaire elle-même comme dans la science, mais à atteindre un but. « Dans une discussion d'aflaires, l'exposé d'un projet est analytique par nécessité, mais inconsciemment on choisit les mots les plus propres à persuader ou à convainere; qu'il n'y ait rien d'affectif ou d'expressif dans cette manière de dire les choses, voilà qui semble impossible ». Nous suivons tout à fait M. Bally lorsqu'il remarque que cette intelligence est inconsciente: il est elair que si les opérations du langage aboutissant au choix des meilleures expressions ou seulement des passables qu'on emploie en fait étaient conscientes, elles prendraient un temps incompatible avec les conditions mêmes de toute conversation. Comme la pratique du métier etles autres pratiques quotidiennes, l'intelligence qui dirige le langage est une intelligence inconsciente en action, ou comme disent les Anglais avec un seul adjectif, une working knowledge. Nous suivons encore M. Bally lorsqu'il souligne le caractere collectif de cette intelligence, quoique l'expression soit déjà moins claire. Du moins peut-on entendre qu'il s'agit, pour celui qui parle, de posséder la notion d'un accord implicite avec ceux qui l'écoutent sur la signification des mots de la langue et des autres moyens d'expression. L'auteur présente même une observation de la plus haute importance (p. 40) : « plus (la) pensée est inconsciente, plus elle peut compter sur une compréhension générale et profonde; plus au contraire l'impression est analytique et consciente, plus aussi elle rencontre d'obstacles pour se faire entendre de tous et autrement que par l'intelligence analytique ». Paradoxale peut-être, cette observation est très profonde et très vraie. Paradoxale, elle l'est parce qu'elle s'oppose directement à l'association toute naturelle qui existe dans notre esprit de conscient avec clair, d'inconscient avee confus. Elle est en même temps très vraie, puisqu'on sait qu'une parabole ou une fable a bien plus de chances d'être comprise exactement que la formule qui en résumerait, avec toutes les précisions souhaitées, le sens qu'a voulu donner l'auteur ; puisqu'inversement un traité mathématique, un code merveilleusement rédigé, voire un précieux guide de voyage, sont illisibles pour bien des esprits qui sont loin d'être inintelligents.
Nous admettons tout cela, qui ne se rattache pas moins aux études du Spectateur qu'à la linguistique en général et à la stylistique en particulier. Mais où nous élevons un doute, c'est quand M. Bally conclut de l'origine « pratique» du système des moyens d'expression à sa perfection « pratique ». Au début du dernier passage eité il dit: « La phrase que je viens de concevoir et de prononcer sans presque y faire attention va provoquer chez ceux qui m'écoutent une interprétation adéquate de ma pensée et de mon sentiment. » Que l'interprétation à laquelle aboutit la langue soit beaucoup plus fréquemment et plus exactement adéquate que ne le laisserait supposer à un Martien purement logicien l'étude des modes d'expression, cela est absolument vrai. Mais d'abord on n'est jamais sür de cette correspondance rigoureuse. Celui qui parle a l'impression assez nette, très nette parfois, qu'il lui importe de parler avec force. Cette idée de force, d'expressivité, exerce sur lui une grande influence. Mais, hypnotisé par elle, hypnotisé plus directement encore par la pensée qu'il veut exprimer, il ne songe même pas, et serait d'ailleurs inapte, à se demander si les expressions employées par lui ne sont pas susceptibles d'une autre interprétation, plus naturelle peut-être que celle qu'il a seule en vue, et si cette autre interprétation ne va pas s'imposer sans hésitation à son interlocuteur.
Préoccupé de la force et en un sens de l'exactitude de son langage, il ne l'est pas, et ne saurait guère l'être, de sa non-ambiguité. On se rappelle peut-être le schéma que nous avons déjà donné à un autre sujet et qui rend bien compte de ce phénomène.
Sujet parlant
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P
E
P'
<----------------------
Sujet écoutant
De ce que le sujet parlant va « tout droit » de la pensée P a l'expression E, il ne s'ensuit nullement que le sujet écoutant, qui part de l'expression E et marche dans l'autre sens, n'aura pas l'impression d'aller « tout droit » aussi en se dirigeant vers P' au lieu de se diriger vers P.
Rien ne garantit que ce malentendu aura dans la suite de la conversation des suites qui permettent de le déceler et de le résoudre autrement que par un recours a l'intelligence consciente, à une sorte d'analyse faite sur le sens des expressions employées, dans la mesure où les interlocuteurs en sont capables.
En d'autres termes, l'intelligence inconsciente que M. Bailly met très justement au sein du langage n'a pas en elle-même le pouvoir de résoudre ses propres malentendus. Et en fait les malentendus sont nombreux; on peut mème affirmer qu'ils sont plus nombreux que chacun de nous n'est porté à le croire, puisqu'il est de leur essence propre de passer inaperçus, au moins au moment où ils se produisent. Nous croyons aussi que l'emploi sans restriction du mot pratique que fait M. Bally à l'égard des conditions auxquelles satisfait la langue spontanée est susceptible de donner une idée fausse. Assurément c'est une destination pratique de cette langue que d'influer sur autrui, et à cela correspond très nettement le besoin d'expression forte. Mais c'en est une non moins pratique que de diriger, le cas échéant, l'action d'autrui. Ouvrier à l'égard de mon apprenti, maître à l'égard de mon domestique, passant à l'égard du passant qui me demande son chemin, je n'ai pas seulement à assurer mon autorité sur mon interlocuteur, mais, dans l'usage de cette autorité, à faire que mes indications soient exactement transformées en actes. Il s'agit moins ici de force que d'exactitude et de non-ambiguité. Alors que, dans les cas précédents, une sorte d'âme générale de la phrase, manifestée autant par le ton que par les paroles, suppléait (moins adéquatement, d'ailleurs, qu'on n'est tenté de le croire) au manque d'ajustement des détails, ce seraient maintenant ces détails qui devraient passer au premier plan... Yous ne voulons pas traiter ce nouveau problème qui nous entraînerait tout a fait en dehors du point de vue d'observation qu'est celui de M. Bally. Mais nous tenions a montrer combien de ce point de vue on passait facilement à celui du Spectateur, d'observation lui aussi, et, quand il s'agit de langage, d'observation aussi surles rapports du langage et de la pensée, mais attachant une importance spéciale aux conséquences que peut avoir la nature de ces rapports pour la pensée elle-même. Certes cette préoccupation logique qui est la nôtre nous laisse tout aussi éloigné qu'a mille fois raison de l'être M. Bally de toute croyance à la possibilité de faire de la langue réelle un système logique. Mais, nous appuyant précisément sur les observations de M. Bally, nous remarquons que la langue réelle, pour atteindre son but propre, but de vie et d'action, peut à l'occasion trouver profit à se faire assister d'une intervention logique, tout occasionnelle bien entendu. La langue de la pratique est affective, c'est entendu, tandis que la langue de la science est logique; mais il se peut que la logique soit capable à l'occasion de servir le but affectif de la langue spontanée, de même que la science la plus théorique sert à l'occasion la pratique. M. Baily n'avait nullement à le dire, mais le Spectateur devait le dire en parlant de son livre, pour couper court à des malentendus très probables.
Nous n'avons parlé, parmi les questions traitées par M. Bally, que de celle du langage-instrument, qui est fondamentale pour nous. Mais il aborde d'autres problèmes également très intéressants : celui du fonctionnement du langage (p. 61), qui donnerait l'occasion d'étudier de bien intéressantes illusions dans l'observation de soi-même, et aussi celui qui fait l'objet de la seconde moitié du livre, intitulée « L'évolution du langage et la vie », que nous avons utilisé pour la présente étude, mais qui soulève aussi bien des questions de méthode et d'observation. Nous comptons avoir à reparler de ce petit livre dont la centaine de pages fait plus réfléchir que bien des volumes en plusieurs tomes.
René Martin-Guelliot.
- Nous reviendrons un peu plus loin sur co point au sujet duquel M. Bally s'exprime d'une façon qui pourrait induire en erreur.
- Bien peu de personnes, par exemple, se doutent du nombne de mots qu'elles écrivent tout naturellement et qui ne leur viennent même pas a l'idée dans la conversation, non pas seulement des mots qui désignent des notions plus ou moins rares, mais des mots-rouages comme la conjonction car, si fréquente dans les lettres les plus familières et qui n'est pour ainsi dire jamais prononcée dans l'usage quotidien.
- Nous entendons par là, par exemple, les faits auxquels M. Bally fait allusion en disant (p. 61) qu'il n'est pas de recherches plus intéressantes que celles que l'on fait par introspection sur son propre langage, et que « le linguiste ne devrait done négliger aucune occasion de noter scrupuleusement, jusque dans ses incorrections, caractéristiques de son parler individuel, pour mieux se rendre counte des faits de pensée qui déterminent dans chaque cas, le choix ou la soulignons la création des expressions qu'il emploie spontanément. » (C'est nous qui soulignons la création)
- Il faut en effet tenir compte de la difficulté bien plus grande d'attention dans le cas de l'audition du langage que dans d'autres cas, celui de la vue, par exemple : on peut comparer à cet égard l'auditeur d'une conférence au spectateur du cinématographe.
- On pourruit dire qu'il est logique de satisfaire aux conditions même illogiques du but qu'on veut atteindre