
Accusés de réception
Article paru dans Le Spectateur, n° 52, décembre 1913.
Jules de GAULTIER : Le génie de Flaubert. Paris, Mer- cure de France, 1913, 3 fr. 50.
L'auteur n'emploie pas de ces « formules en quelque sorte algébriques » et qui sont « d'un secours certain au cours de la recherche personnelle ou de la discussion entre techniciens », mais qui n'en réclament pas moins pour etre comprises « une initiation préalable».... Tout esprit capable d'un effort d'attention » lira avec intérêt et profit ce nouvel ouvrage.
Nous ne tenterons pas, non plus, à son propos, une critique, de la philosophie du bovarysme, puisque tel est le nom dont M. J, de G. baptisa « la nécessité psychologique selon laquelle toute activité qui prend conscience de sa propre action la déforme par le geste même dont elle s'en empare dans la connaissance ».
Nous dirons tout simplement ceci : ce qui nous agrée dans le bovarysme, c'est qu'il est... autre chose qu'un système, un point de vue sur les choses, un instrument de réflexion et non une fin en soi. L'ouvrage que nous citions plus haut en témoignerait, puisque la notion philosophique de « l'erreur du soi sur le soi » s'y trouve éclairer d'un jour nouveau la critique des grandes œuvres littéraires. Et ce qui accroît notre intérêt pour cette notion, c'est l'auteur nous le confie (p.6 et suiv.) - qu'elle fut pour lui fait de sensibilité avant d'être objet de pensée; elle est un état de conscience éprouvé, toute une simple expérience d'enfant; c'est aussi que, pour métaphysique qu'elle soit devenue, elle n'a cessé de s'alimenter du réel et de prendre dansle concret son point d'appui comme son point d'application. Il importe de ne pas oublier que les intéressantes et suggestives remarques de détail qui abondent dans l'ouvrage sont intimement liées à des aperçus plus généraux; mais que ceux-ci ne masquent pas celles-là, voilà qui nous paraît encore plus remarquable. Nous tenons à insérer ici une remarque. Il en est qui ont voulu voir dans nos essais l'influence directe de la tendance spectaculaire de M. J. de G; ils n'avaient apparemment lu que le titre de notre revue : Le « Spectateur » doit être spectaculaire. Il n'y a pas à leur répondre, et c'est heureux; car fascinés par les mots au point de ne plus voir les choses, ils ne manqueraient pas de traiter de subtile (ce qui n'est pas toujours un éloge!) la distinction que nous sérions amenés à faire entre le point de vue spectaculaire de M. J. de G. et le point de vue... comment dire ? spectatorial du « Spectateur ».
M. P.
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Le Spectateur tient à s'excuser auprès des auteurs qui ont bien voulu lui envoyer des livres ou brochures dont il n'a pas encore accusé réception, et dont il se propose de parler au cours de la prochaine année, ceux, par exemple, qui ont pour titres: Promenades littéraires ; Extraits des historiens français du XIX• siècle; L'individualisation de l'impôt; Les Hayn-Teny merinas; Il concetto del diritto; Der Fortschritt im Recht; La medicina dello spirito; El sentimiento tragico de la vida en los hombres y en los pueblos; Les maladies sociales; Comment devient-on criminel?