aller directement au contenu principal

Terreurs littéraires : généalogies de l'histoire de la littérature française au XXe siècle

Maurice Blanchot   Jean Paulhan   Antonin Artaud   Albert Camus   Jean-Jacques Pauvert   Alain Robbe-Grillet   

Mouvements info, Aurore Turbiau, 26 novembre 2023

Compte-rendu de : Perrine Coudurier, La Terreur dans la France littéraire des années 1950 (1945-1962), Paris, Classiques Garnier, coll. « Études de littérature des XXe et XXIe siècles », 2021, 786 p.

Perrine Coudurier, dans La Terreur dans la France littéraire des années 1950 – ouvrage issu de sa thèse de doctorat soutenue en 2014 –, propose une ouverture sur l’histoire de la littérature du XXe siècle axée sur la question thématique et métaphysique du mal et – son corollaire en termes de théorie littéraire – sur la notion de terreur.

Le dialogue idéologique, formel et thématique entre la question du « mal » et de la « terreur » est construit par Perrine Coudurier comme un axe structurant des théories de la littérature qui ont éclos au fil du XXe siècle. Il s’agit pour Perrine Coudurier de repenser ce qu’on appelle un peu trop rapidement parfois le « roman d’après-guerre », dans la mesure où « l’histoire littéraire permet d’inscrire dans le continu des crises historiques et littéraires la discontinuité de la rupture majeure de la Seconde Guerre mondiale » (p. 26) : ce projet passe par le portrait croisé de différentes générations, aux prises avec les mêmes questions, écrivant au même moment.

L’étude de Perrine Coudurier porte principalement sur l’après-guerre, de la littérature des camps au premier Nouveau Roman : la période qu’elle couvre court de 1945 à 1962. En réalité cependant, l’étude prend ses racines dans les premières décennies du siècle : elle examine ce qui forme « terreur » après la seconde Guerre Mondiale, par contraste avec l’« horreur » de la première (p. 10-11) ; elle retrace le parcours d’écrivain·es de la « génération 1910 » – c’est-à-dire né·es avant la Grande Guerre – qui forment certains des « grands noms » de la littérature des années 1950 (p. 57) ; elle appuie notamment la généalogie de la notion de terreur, forgée au fil des pages, sur les textes de Jean Paulhan publiés à la fin des années 1930. Le chemin retracé dans La Terreur dans la France littéraire, articulé autour de la notion de « terreur dans les lettres » et, son revers, celle de « rhétorique », part ainsi de Stéphane Mallarmé et Arthur Rimbaud pour arriver à Alain Robbe-Grillet et Nathalie Sarraute, en passant par Georges Bataille, Franz Kafka, Jean Paulhan, Antonin Artaud ou Maurice Blanchot, Roland Barthes ou Gérard Genette. Ce parcours compte les œuvres de Jean-Paul Sartre, Alfred Camus, Simone de Beauvoir ; il implique les lectures structuralistes du Nouveau Roman ; mais il inscrit ces moments de l’histoire de la littérature française dans le fil d’un questionnement original, généalogie parallèle de celles qui sont les mieux connues et les plus enseignées. Plus que le portrait littéraire et idéologique d’un moment littéraire, donc, La Terreur dans la France littéraire des années 1950 se lit comme un parcours généalogique, une relecture de l’histoire littéraire du XXe siècle au prisme de la notion de terreur ; ouverte, elle invite à prolonger l’étude au-delà des bornes auxquelles elle a dû se restreindre.

[...]


Article original